L'INTEMOIGNABLE* EUTOPIE*...

(di-vag-ations sur une aventure de bénévolat)

Eva Rachele Grassi






*Giorgio Agamben ,"Ce qui reste d'Auschwitz" * "Le mot "utopie" fut conçu, comme on le sait, à l'époque de la Renaissance , par le philosophe et étatiste Thomas More pour désigner une île imaginaire, protagoniste de son livre homonyme . Cette île était une sorte de paradis terrestre , une société parfaite (néanmoins selon l'idéal de perfection de l'auteur) dans laquelle les hommes vivaient dans la justice et dans l'harmonie. Par contre, est un peu moins connu le fait que , dans les intentions de More, le nom "Utopie" avait une signification double :1) "le lieu qui n'existe pas" ( du grec "ou-topos", où "topos" signifie "lieu" et "ou" correspond à l'alfa privatif latin ); 2) la deuxième signification est: "le bon lieu" ( de "eu-topos", où "eu" signifie justement "bon" ). More choisit ensuite "utopie" et non pas "eutopie" , probablement parce que souhaiter trop explicitement un monde meilleur pouvait être considéré comme une critique du régime en vigueur"...?!?!?! (notes de couverture)
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A' Carmen Farina Senatore, ma "belle"- maman...
A' Italo Senatore, mon "beau"- papa...
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A' Stella Libertino... qui a re-conquis le vent inconnu des étoiles...
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A' Madeleine, Yolanda, Giuditta, Yvonne, Fernande, Louisette, Tito, Yves, Odette, Marie, Adolphe, Marguerite, Félicité, Lucie, Lydie, Roger, François, Annie, Albertine, Valentine, ...
 

“C'est l'heure, vois-tu, de supporter ensemble Pièces et morceaux comme si c'était le Tout... ..."
"Sonnets à Orphée, Première partie, sonnet XVI" Rainer Maria Rilke


PRÉLUDE(s)



Les bénévoles ne sont pas des canards sauvages

par Laurent Chevalier


« Je pense qu’à notre époque l’homme ne ressent plus qu’il fait partie du monde, il n’éprouve plus son unité avec le vivant, il ne voit plus la splendeur de l’univers, alors il désespère. » Albert Hofmann


Les mots ont des sens et des valeurs. Et si le sens commun du mot « bénévolat » est globalement connu de tous (quoiqu’il recouvre des réalités inassimilables les unes aux autres : quel lien existe-t-il entre le pompier bénévole et l’enseignant lui aussi bénévole, ou encore : qu’y a-t-il  de commun  entre des structures caritatives existantes : l’armée du Salut  et les Restos du cœur, pour ne donner qu’un seul exemple ?) sa situation dans le champ social et politique, les considérations morales auxquelles il invite, méritaient quelques éclaircissements.
Admettons, pour reprendre l’expression de Robbe-Grillet à propos du «nouveau roman » que le bénévolat  (comme l’écriture dans le manifeste de 1960) relèvent d’un « pour rien ». Ni bienveillance, ni bienfaisance, il est - c’est son étymologie - un bon vouloir (sinon, pour paraphraser Nietzsche, un gai vouloir) qui n’est pas seulement - ce en quoi la contribution d’E.R. Grassi innove - l’activité de celui qu’on dit bénévole, mais aussi de celui ou celle qui accepte l‘activité du premier. « Oui, merci, je veux bien » pourraient dire l’un et l’autre, ce que E.R.G. appelle « ouverture à soi et ouverture à l’autre ».
Expression de ma liberté (celle du bénévole comme de celui ou celle à laquelle il s’adresse), le bénévolat - et nous sommes ici dans une autre topique - est pour reprendre l’énoncé sartrien (celui de « L’Etre et le néant) un « pour soi (la conscience) comme néantisation de l’en soi (l’être plein, massif) » c’est-à-dire comme liberté, conscience attentive, « une éthique qui prend ses responsabilités en face d’une réalisation humaine en situation. »
Loin de se contenter de rendre compte d’une pratique en cours, E.R.G. , quoiqu’elle ne renonce pas à décrire l’itinéraire savoureux et pathétique de Mme M. dans une maison de retraite, n’hésitant pas à piquer les aberrations administratives comme l’extrême laxisme (volontaire ou involontaire) de ceux que l’Etat délègue, hisse (ce n’est pas du moralisme bon marché), avec une inquiétude sereine, le débat là où il devait être placé, ce que nous appellerons ici un échange diacritique, chacun (les uns enfantant les autres), bénévole, personne en réception, observateur attentif, chaque « être-un » c’est-à-dire en conformité avec lui-même, étant invité à manifester sa différence, sa singularité.




...SEUIL(s)



" ...Et quelle beauté mélancolique dans les femmes, lorsqu'elles étaient gravides et se tenaient debout , et dans leur gros ventre, sur lequel gisaient d'instinct les mains fluettes, il y avait deux fruits: un enfant et la mort. Leur sourire dense et presque nourrissant dans le visage vidé ne jaillissait-il pas peut-être de l'intuition fortuite, que les deux fruits grandissaient ensemble?..."
«Les Cahiers de Malte Laurids Brigge» Rainer Maria Rilke



......durer , se réveiller, s'agiter, dessécher, s'irriter, se détacher ...
Quand on est face à la vieillesse on est devant l'(a)perception du mystère de la vie.
Les plis du visage nous décrivent les figures, les actions qu'on traverse ou qu'on subit dans les années de l'usure ...
Un devenir d'images capricieuses et complémentaires , qui ébrèche ... À cause du flux d'idées, d'échantillons , d'associations ...
Ces textures grises esquintées, peuvent donner l'impression de se trouver devant un ensemble quasi éclaté resserré de ruines ... et pourtant ... pour éloigner ce sentiment si déroutant , il faut y accoster, et s'y promener ...
L'âme en écoute ... le charme de l'inachevé qui peut s'en échapper ...
On s'approche et on re-connaît dans ces traits, qui ont égaré leur attrayante splendeur et une partie de la puissance de leur moule , le sourire énigmatique du Temps... qui même dans l'impitoyable transformation de l'apparence, révèle les échos d'invisibles baumes bienfaisants ...
...Et, comme depuis une nuit débordante de rêves annonciateurs , dont IL FAUT se souvenir et qu'ON DOIT interroger , une exigence/astreinte à livrer cet "intémoignable" , m'a été instillée...
Commencer alors , en messagère du déchirement , de la solitude et de la mélancolie, furtifs et discrets, à débuter des gestes , des faits, des paroles, des idées, des discours, qui ont habité cette aspiration ... dans un espace , d'écriture aussi, qui s'élargit alors qu'une vie s'y engage ...
Une écriture d'effraction, sur le seuil du "reste"; qui reste, parce qu'il est de tous les cotés , qui reste parce qu'il résiste, qui reste, parce que , même voilé ou stagnant, RESTE toujours à inventer...
Car ...toutes les frontières sont ici en question... et le point de mire avance en compagnie du voyageur…
"Tout homme a pour tâche de rendre sa vie, jusqu'en ses détails, digne de la contemplation de son heure la plus élevée et la plus sévère"... (1)
Mais... et ceux qui sont condamnés à une existence qui n'est pas la leur et à une vie qui n'est pas la vie? Dans l'inattention, ou dans la distraction de l'atteinte de la mort même... en danger de mourir comme par mégarde ... Ou incapables, aussi bien de mourir que de vivre : jamais sauvés, jamais désespérés ; sans jamais avoir droit au repos; sans autre exigence que celle qui ne demande rien, qui se laisse toujours exclure...
Ne vivant que pour la fatigue de jours faits de solitude, vide , abandon, isolement et ..désengagement... ; en attendant, tout en l'oubliant , une rencontre toujours à venir... comme s'il y avait toujours un peu moins dans la réponse que dans la question ... Étranges à eux-mêmes... Dans un état quasi hypnotique , qui respire un enchantement aux légers soupirs de démission ...
Dès la naissance on est voué à la mort...
Or, si on ne réfléchit pas au mourir, si on n'a pas une pensée , quelle qu'elle soit, sur l'au-delà du mourir, peut-être ne pourra-t-on pas non plus envisager un projet de vie Commune... Pour épargner à la Fable ... une mauvaise Histoire ... et à l'existence un goût amer de farce...
On a besoin de donner de l'amour à la vieillesse et de savoir manifester l'âme sans ironie ou embarras ... Reconnaître que le Pouvoir plus grand est celui de l'intelligence, de l'affectivité, de l'amitié ... donc du Plaisir, cette force à la racine de l'âme, qui est la plus grande compétence qui fait bouger l'univers ... celle du "prendre soin" ... de l'autre comme de soi même...
Les navigants/soignants des grands complexes , en fin de compte assez sombres... aux énormes chambres où des êtres "révoqués" , jadis raréfiés par le temps, semblent presque disparaître... pareillement s'égarent, distants, étrangers, fugitifs ...dans les couloirs labyrinthiques, comme pour accomplir un parcours sinueux, significatif, symbolique les amenant à la compréhension de la contradiction de la clôture ,impossible et insupportable ,qui aussi les enferme...
Eux également ... ombres entre les ombres...
Dans la mortification hautement pénible de l'ennuyeuse répétition de ce qu'on croit avoir déjà vécu en entier ,et qu'on croit connaître déjà à fond ... au milieu d'atmosphères psychiques tumultueuses, de vengeances non assouvies, de colères non soulagées, aux interstices qui vibrent des mots extirpés aux délires de la dernière heure ...
Dans ce vertige , arriver à la capacité sublime d'aimer et de concilier, là où,en général, on s'est mutuellement offensé et attaqué ...
Le respect - re-specter ... faire attention, regarder encore ...ce qui nous entoure... ce qu'on connaît déjà... s'en occuper comme il nous le demande, selon ses nécessités ...en usant de sensibilité esthétique... et conscience de précision...
C'est ça la "therapeia", prendre soin, être au service; pour guérir ... être inoffensif et améliorer...
La main qui attrape, tyrannise, agrippe ne se transformera peut-être jamais en main qui caresse et bénit...
Mais, peut-être aussi que la main cachée de l'amour arrive à faire changer les choses de l'intérieur, imperceptiblement, invisiblement ...
Une pensée subtile dans un agir simple et essentiel... à la fois pulsionnel, social et sacral : alchimie , relais et con-fluence de différentes forces ..
On sait qu'il n'y a pas de formule: tout peut commencer d'on ne sait où, de partout , par différents bouts; il faut que plusieurs commencements s'opèrent ensemble, se synchronisent, sollicitent des synergies , fassent tourbillon ... et une nouvelle douceur, une nouvelle écoute de l'autre dans sa différence et sa singularité verront alors, le jour...
Dès lors, en tenant compte de la totalité-en-acte du déroulement de sa propre vie, s'apercevoir ainsi que tout est relation et que "tout est langage" ...
Un langage qui est mouvement et échange, et qui suggère, anime, réveille une sorte de mémoire universelle du lien de communication entre toutes les choses... Parce qu'on se mesure toujours avec les mots, avec les idées et les sentiments inconscients qu'ils expriment ... et qui feront écho sur nos agissements d'une manière nouvelle et imprévue...
En fait, lorsqu'elles sont privées du sens des mots, nos expressions émotives deviennent primitives, physiques et grossières .
Les Chinois affirment ,depuis des siècles, qu'on fait recours à la violence physique, parce que les mots ont failli ...
Ce qui entrave la communication, donc la relation, c'est la communicabilité même; on peut dire que les hommes sont séparés par ce qui les unit...
Donc, ré-apprendre à penser les idées qui sont derrière les mots... en commençant à les soigner, elles aussi, en dévoilant leur puissance ...
Reconnaître, redécouvrir, révéler un langage qui puisse harmoniser des formes cognitives anciennes , nouvelles et à venir .. et qui sache concilier l'horreur à la douceur ...
Ce qui signifie, aller à la rencontre des erreurs de notre culture, et vers la douleur enfermée dans sa mémoire; ouvrir une possibilité de rançon à une vieillesse vécue comme rien d'autre qu'une pure déchéance ... et à l'humanité par-dessus tout....
... Et considérer le déclin et la contraction qui accompagnent le crépuscule comme une valeur additionnelle, non pas comme une perte littérale...
Le déficit de mémoire et les chutes de l'attention , cette vague étourderie dans les mouvements, cet affaiblissement dans les réponses émotives et cet appauvrissement du langage, pourraient être autre chose que ce qui parait ...
Parce que, peut-être, on a besoin , à un certain moment , de faire de l'espace... on a besoin d'une pause dans l'attente d'une musique différente ... on a besoin de se débarrasser de l' habituel pour accueillir ce qui habituel n'est pas...
L'absence précède la présence , ou mieux encore, est la première forme de présence...
On peut imaginer ces événements comme des élargissements qui se dérobent aux schémas usuels pour pénétrer dans des espaces inexplorés: une expérimentation en cours... une pensée de la mutation...
Alors , avant même que la possibilité de l'impossible arrive, en finir avec une mort qui n'est pas que finir ... se dé-livrer des prisons qu'on cache en soi même; transformer leurs clôtures en temple précieux d'une conscience plastique et alerte ....
Et depuis un espace de non jugement, afin de ne plus accumuler des conditionnements ...en un mouvement d'approfondissement et de retour... dans un état dernier /d'origine , rester à l'écoute de la dimension d'imprévu, de la dimension de surgissement ... Les pensées toujours chargées de questions... pour essayer d'"intercepter" l'insaisissable; "entrer en relation"...
En suivant la têtue , infatigable leçon des fables ,celle d'une victoire sur la loi de nécessité, le passage constant à un nouvel ordre de relations...
Et rien d'autre, parce qu’il n'y a vraiment rien de plus à apprendre sur cette terre...
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...Rentrer donc avec abandon dans la fable ; se confier à sa trame qui contient tous les événements, qui en dépasse en même temps le signifié ....
Car dans son labyrinthe de formules, nombres, rituels, le FOU qui s'y déplace avec précision extatique, et raisonne à l'inverse, renverse les masques, discerne dans le dessein le fil secret , dans la mélodie l'inexplicable jeu des échos ... GAGNE ..
Du simple fait qu'il croit, comme le poète, à la parole ... et avec elle crée ... distille ... prodiges concrets avec ce qui en lui persiste d'un "instinct du ciel"... (2)



(1) Thoreau
(2)Mallarmé

 


LABYRINTHE(s)


Mon chant n'est pas artificiel
J'hésite souvent parce que je cherche
en dessous de terres profondes
en ramenant toujours
avec les mêmes sondes
les pièces d'un trésor enseveli vivant
depuis les commencements du monde

                                          Jean Genet




Dans un monde désenchanté , le bénévolat comme un Art des activités ordinaires...
En témoignage d'une nature humiliée par l'humanité...
...Ou plutôt une confession qu'un témoignage...
...Parce qu'il s'agit ici de l'"intémoignable"...
Le témoin radical, est celui ou celle qui n'a pas pu témoigner; celle ou celui qui a atteint le gouffre, calciné ...
Alors un témoin d'emprunt parle à sa place, - "témoigne d'un témoignage manquant"... témoigne de l'impossibilité de témoigner... pour briser les dogmes les mieux établis parmi les hommes ... pour s'aider à voir au-delà...
Dès lors que cette interaction est un tant soit peu vigilante, elle conduit l'individu à repenser son existence, à vouloir l'arracher aux stéréotypes qui font son ordinaire trop souvent esclave des conformismes de la vie sociale.
L'entraînant à agir en une séquence de circonstances, toutes transitoires, occasionnelles, imperceptibles parfois, infinitésimales...
La pratique du bénévolat n'est alors pas seulement confrontations à des êtres et à des faits; elle est confrontation à soi, recherche en soi, à travers une allure et un rythme qui composent ce que Thoreau appelait "le poème non imprimé" de l'existence. Mais aussi une tentative d'auto-guérison de notre humanité malade de vision partielle, rationnelle et matérialiste du monde...
En intensifiant soudainement le sens de certaines expériences de la vie quotidienne, soignant la réalité d'une façon événementielle, s'immergeant dans la société non sans que le sens de l'intervention soit marqué par une foncière ambivalence, on peut consentir, alors, à jouer le jeu de la société, en ce cas le jeu de l'association ( de bénévolat); et inviter en même temps à la dissociation, dans la mesure où l'intervention a souvent un sens critique. Selon une action/intervention qui vise à resserrer les liens entre les membres du corps social, à célébrer les valeurs de partage et de respect mutuel, mais également à exprimer un refus de la société telle qu'elle est, sur le constat d'une imperfection ou d'une perfectibilité de celle-ci. ...
Pour aller vers une "conscience croissante" comme indiquait Theilhard de Chardin ..
Scruter l'outre, sans se bloquer dans le contre... et, dans les marges et les interstices... s'"auto-produire" en vue de mieux "habiter poétiquement" le monde; ensemble...
En effet, les Anciens disaient que l'homme a sur terre un statut poétique, c'est à dire productif... Du mot " poiesis " ... le nom du faire même de l'homme, de cette opération productive qui fait penser et parler une pensée et une parole partagée par une pluralité de sujets et qui sert de fondement à l'intersubjectivité d'une société, dans laquelle chacun contribue à rendre réelle une potentialité...
Maintenant et aujourd'hui , ce faire, qui jadis nous rapprochait des dieux, nous en éloigne...
... Une mauvaise fée, ou on pourrait dire une mauvaise foi, a aliéné et dégradé cette expérience Originaire ...
La Poésie, "poiesis" , le don le plus originaire , car le don du site liminaire même de l'homme, qui se situe dans la dimension la plus essentielle et qui lui permet d'accéder chaque fois à sa position originale dans l'histoire et dans le temps, s'est transformée en 'le' produit... D'où le mot "praxis"...
De cette déchirante subdivision de l'activité productive originelle de l'homme naît la dégradante différenciation du travail en travail manuel et travail intellectuel...
Et le statut de l'homme sur terre devient exclusivement la production de vie matérielle... Un statut uniquement pratique...
Relié au mal-être de tous dans une société qui est incapable de promouvoir le bien commun, de pratiquer le partage et la gratuité et qui est incapable de solidarité.
Une société qui n'est pas productrice de valeurs d'amitié , de respect ou d'amour, mais qui au contraire est source et objet de violence.
Une société qui a oublié ... mais qui est aussi en même temps, peut-être, en train de se remémorer ..
Au nom de cette réminiscence, je vis mon engagement bénévole dans la sphère extrêmement allégorique du troisième âge ... quand ad-vient la longue douleur de ne plus rien savoir... mais aussi, dans sa transversalité analogique, la conjonction et l'unité parfaite des complémentaires, comme au bout du procédé imposant et exigeant de l'Opus alchimique, scandé par les différentes phases spirituelles d'une évolution croissante... Une Évolution qui va de l'atome d'existence de la matière à une complexité telle que nous n'en connaissons pas les limites...
Face à la blessure ... de la réalité visible de la mort,de la vanité de nos réalisations et de nos pouvoirs sur le monde ... du moi qui vole en éclats ... mon action bénévole tente de réactualiser l'instant poétique qui relève complètement de la logique de l'échange symbolique... Donner moi même, Recevoir la confiance de l'Autre et Rendre une re-constitution , à un niveau de réalité non ordinaire , du Lien ... dilaté d'une conscience cognitive, affective, intuitive...
Le cheminement que cet exercice engendre est tellement dense que, si on le reconnaît, il nous ouvre à la lumière de l'intelligence intuitive au delà de l'efficacité relative de l'intellect rationalisant.
A l'opposé, sur son déni s'installe la déroute morale et intellectuelle de notre société ... et de notre culture.
Comme le château du roman de Kafka, qui pèse sur le village de toute l'obscurité de ses décrets et de la multiplicité de ses bureaux, de même notre culture accumulée a perdu sa signification vivante et pèse sur l'homme comme une menace en quoi il ne peut absolument pas se reconnaître.
Suspendu dans le vide entre vieux et neuf, passé et futur, l'homme est jeté dans le temps comme dans quelque chose d'étranger qui sans cesse lui échappe et toutefois l'entraîne vers l'avant sans qu'il puisse jamais trouver en lui son point d'ancrage...
Et la mort et le mourir, dans les vicissitudes de leur dénouement, lequel connaît le drame de la double impossibilité d'entreprendre l'expérience mentale et existentielle de la vie in-finie et celle de rester vivant auprès de soi-même, ramènent à la lumière cette évidence souvent refoulée...
Toutes choses que la littérature et la poésie, l'art en un mot, n'ont jamais cessé de Dire dans le désert de notre bruyante et terrorisée civilisation du bien-être et de la fragmentation... Qui a éliminé de sa réalité tout ce qu'elle n'arrive pas à expliquer, qui a créé des points fixes dans un monde en mouvement , en trans-formation ... Et qui a changé le "mystère" de la Mort qui est du côté de l'être, en un "problème", qui est du côté de l'avoir...
"Ce monde de la Fin ordonne que les signes des Cieux ré-obtiennent du Sens...", exhorte le philosophe et poète Rubina Giorgi.
C'est à dire. Avoir une attitude sacrée par rapport à tout ce qui existe et qui est vivant... Parce que chaque instant est fondement unique et inégalable, le plus important; c'est le début et la fin; et il va vécu en plénitude; dans sa profondeur comme dans sa superficialité . Être toujours au centre du phénomène, être le centre du phénomène . Ce qui signifie s'acheminer sur un parcours de conscience, qui soit l'ouverture sur une connaissance créative, dans l'oubli des certitudes mécaniques ...
Et justement , le poète, l'artiste, le bénévole, le résistant en tous genres sont de ceux qui essayent de colmater naturellement l'"imprinting", ce formatage de l'esprit à la pensée linéaire... de revendiquer le droit à l'âme et à la vie comme temple et laboratoire. En esquissant leur destinée sur la spirale des paroles et des actes de la solidarité ... dans un état d'implication et de sursaturation... Qui est inter-action, expérience et recherche, à partir de leur propre existence ...
Mais l'Art et le Bénévolat, s'ils sont toujours solidaires de contextes et d'usages, excèdent cependant toute fonction sociale qu'on voudrait leur voir remplir. Impossibles à cantonner et à négocier, à monnayer et à assimiler aux prouesses des commerces usuels, ils sont scellés au corps de chacun, sans possibilité aucune d'en faire une exhibition marchande.
Parce que toute oeuvre d'art comme toute oeuvre de bénévolat, comme toute oeuvre d'existence, digne de ce nom, s'adressent à ce qui en l'homme est inassignable à une quelconque contrainte ; transcendent l'ordre des besoins, donc de la société ; mais cela ne signifie pas qu'elles soient étrangères au monde.
Au contraire, ce sont elles qui font qu'un monde prend consistance ; en produisant un supplément au regard de la seule fonction.
Si l'art et le bénévolat, donc, indéniablement, n'existent nulle part ailleurs que dans la société, et de mille façons sont liés à elle, cela pourtant n'autorise pas à les réduire à leur fonction dans la société présente et à un modèle fonctionnaliste.
Bien au contraire, plus voisins de l'expérience mystique, ils s'adressent à un individu qu'ils "dé-socialisent" en l'incitant à une descente en soi même, méthodique, en même temps qu'ils témoignent d'une expérience où l'être isolé se perd en autre chose que lui ; pour lui permettre de continuer d'exercer le droit/devoir de contribuer à l'accomplissement d'une société qui reconnaît à la poésie et à la culture, au don, au partage et à la solidarité , vécus comme aventure humaine de connaissance, clés de voûte de la libération individuelle et collective, la primauté nécessaire à la réalisation d'une nouvelle pensée , d'un langage nouveau, (même si le monde ne pourra jamais être emprisonné dans un discours) ... vers une faculté plus spirituelle de l'humain...
Avec le sentiment urgent de la nécessité de réveiller en émergence l'humanité en chacun.
En premier lieu en considérant et en acceptant la fragilité de l'identité, en réfléchissant sur le concept que l'ouverture à soi et l'ouverture à l'autre sont effectivement deux faces de la même médaille.
Vers une nouvelle façon d'entendre les choses, plus spirituelle, encore (et en tous les sens), et plus solidaire, cultivée, fraternelle.
En étant capables d'envisager qu'il y a une communauté beaucoup plus ancienne et élargie que celle de sa famille, ses amis, sa nation : une communauté proprement humaine, terrienne,cosmique .. essayant d'organiser l'environnement humain dans son ensemble comme une oeuvre d'art, et de traiter toutes les réalités sociales comme sujets d'une fable scénique, où tous les acteurs interagissent en participant au processus créatif de leur réalité, en se transformant en artistes dans la production de formes et d'images nouvelles, qui deviennent, surtout, la réalisation finalement accomplie de leur propre vie.
Mais la condition essentielle, pour que ce fait de culture acquière toute sa valeur, réside, tout d'abord, dans l'ampleur et dans la "choralité" des adhésions, par rapport, surtout, à sa capacité de suggérer un sens de poésie et un maximum de liberté.
Parce qu'on croit profondément que l'art, pensé à l'instar du procédé sacré de l'existence, en toutes ses formes, comme déjà souligné , art de vivre, en fin de compte, doit proposer la nécessité d'une r-évolution de la pensée , atteignant une pensée complexe, capable d'associer ce qui est séparé et "de concevoir la multidimensionnalité de toute réalité anthroposociale", comme dirait Morin .
Pour rompre avec les aveuglements et les carences d'une pensée simpliste , apte seulement à diviser et à réduire , mutiler et détruire tous les secteurs de la connaissance et de l'action .. En n'oubliant jamais que la pensée est cette propriété que nous avons, tous, d'atteindre quelque part en nous, les intuitions de la réalité.
Pour accroître notre niveau d'autorisation noétique... Et opposer une autre parole, là où triomphe le verbe collaborateur...
Et avec ce travail d'exister , ma navigation dans cet univers d'"affections", aussi si elle décèle la perception d'un dés-accord pas résolu , de même elle soutient l'intuition d'un Accord pas encore dé-voilé...
Dans l'acte d'écrire, comme dans une conscience collective , envisagée comme condition et champ d'action et qui emploie chacun comme centre et comme moyen , je fusionne mon moi à cette "relation", à ce "lien" d'"unité", re-liant ma voix à toutes les autres ( anciens , associations , institutions et tous leurs acteurs sociaux ) dans l'intention d'une destinée Commune.
Encore que, ce trait d'union entre moi et les autres, (et) la partie de moi-même probablement la plus secrète, avec ses insinuations dis-pensées, pourrait libérer des failles, le plus souvent étiolées qu'étoilées, par où le sens se perd...
Parce qu'il s'agit ici , encore une fois , du 'mystère' ... d'exister ... de nos rapports à la connaissance de l'être-au-monde , l'aventure dans laquelle nous sommes tous embarqués et qui nous dépasse...
Et se confronter à l'ultime changement visible de l'être humain, qui ne devrait, d'aucune façon, être réduit , comme le voulait Freud, à un retour à l'inorganique, pourrait nous aider, avec une approche intégrative et inclusive et une ouverture suffisante pour considérer toutes les voies utiles à notre évolution, à replacer nos existences dans cette perspective psycho-spirituelle...
Le Sacré, finalement :
ce qui fait partie de la structure de la conscience...
Rien à voir avec les dogmes intangibles,
les rituels incontournables,
figés dans la structure immobile de l'asservissement arbitraire et définitif des Églises et des États...
dont la forme extrême est la politique où nous vivons...
mélangée à des spiritualismes «molestes»,  encore plus restrictifs et dogmatiques...


L'INTEMOIGNABLE...


« La situation désespérée de la société dans laquelle je vis me remplit d'espoir. » Karl Marx




Les gens pensaient que ne pas voir le mal, ne pas l'entendre, ne pas en parler empêcherait les san-shi (les san-shi, les trois vers malfaisants résidant dans le corps, s'élèveraient dans le ciel au cours du sommeil pour s'en aller rapporter les péchés de chacun auprès du Maître du Ciel) d'écourter leur vie, car leurs péchés, et ceux d'autrui, passeraient inaperçus.
C'est de cette croyance que naquirent au Japon les trois singes connus aujourd'hui dans le monde entier...




 

Vieillir c'est complexe, subtil et acéré, et l'homme contemporain n'a plus le confort d'une cosmologie sacrale qui puisse conférer au vieillissement une signification partagée par la collectivité ... Jung disait que tandis que le sens de l'aurore de la vie consiste à mettre racines dans le monde, le sens de son crépuscule c'est celui du mettre racines dans l'âme ... et Hillmann ajoute que la vieillesse c'est la grande aventure vers l'accomplissement du soi qui a besoin d'étendue pour se dérouler et s'accomplir... Même l'image de Guggenbühl-Craig du Vieux Désaxé contribue, dans une vision non réductionniste des choses, à une compréhension capable de corriger l'unilatéralité de notre jugement selon lequel tout est à récuser ou à accepter... et elle fait allusion à ce que la 'connaissance' se trouve toujours sur un confins , toujours pas à sa place, là où on ne s'attend pas à la trouver...
C'est pour cela qu'un geste d'hospitalité au sujet de ce qui finit serait précieux ou... comme le dirait encore Hillmann, une ouverture à certains critères de "croissance" plus complexes et sophistiqués...
Pour identifier cette zone, ce no man's land ... qui serait entre une parole et un mutisme, entre l'identité et une non-identité ... personnelle et impersonnelle.
...Mais ... toute vie n'est-elle pas toujours faite de ces deux phases en même temps ... personnelle et impersonnelle ... ?
L'écart entre ces deux processus ce n'est que le début/attribut de la relation... dans un champ de relations plus vaste...
Chaque (a)perception, chaque concept ou symbole comme chaque interprétation, dépendent d'une position dans un champ de positions.
Poussé à la limite le champ de relations est constitué par l'univers dans son ensemble. Aucun élément n'existe en soi dans l'univers. Il est relationnellement conçu dans une interaction permanente avec les autres éléments. Ce qui fait sens, ce n'est donc pas l'élément extrait conventionnellement d'un ensemble d'éléments, mais le système de relations qu'entretient cet élément avec la totalité de son environnement, du plus proche au plus lointain.
Commencer alors à être responsable de notre parole, de nos actes et de notre solidarité avec les autres et le monde, aujourd'hui, tout de suite, d'instant en instant ... et réorienter vers cette possibilité nos existences d'apprentis de la communion humaine , à quelque niveau que ce soit.
Même si ce type de discours n'a souvent pas sa place dans les livres, formations, stages, etc., qui se veulent techniques, scientifiques et/ou pédagogiques... encore profondément ancrés à la vision d'un monde purement objectif ...
Et c'est à partir de l'absorbante conviction de l'interaction et de l'interrelation entre l'observateur et l'observé, d'une Connaissance non déterministe et sans relation d'ordre, sans les blessures du "plus que" ou du "moins que", d'une Evolution sans l'opposition primitif-moderne, vieux-jeune , fort-faible, que je centre maintenant toute mon attention à cette relation à l'autre et à son visage ...
Revendiquant la responsabilité et la liberté d'une implication inconditionnelle... Parce que s'impliquer signifie surtout être lucide sur sa position sociale; s'y impliquer plus ou moins totalement, dans une perspective créative de soi-même et de ses rapports aux autres , dans une connotation existentialiste, qui suppose une responsabilité et un engagement (au delà des ressorts inconscients qui restent sans cesse à explorer), susceptibles de mettre à jour la face cachée de soi-même et de l'autre...
Mais les institutions continuent à canaliser, homogénéiser, retraduire, en fonction de leur logique propre , toutes les tentatives d'implication, dans la méconnaissance de leur véritable fonction. Et dans un processus de renforcement du pouvoir de domination , en attisant toujours plus loin cette violence symbolique, elles poussent à considérer la parole et les actes du sujet qui "s'implique" comme les "analyseurs" les plus puissants et les plus dangereux pour elles...
Cette application systématique du rejet de la notion d'implication se résigne à la négation d'une évidence ... celle d'être engagé dans la relation humaine, et dans le Monde, qu'on le veuille ou non. Du micro au macro-système vivant, chaque élément y est impliqué, et inéluctablement, relié et influencé par les autres éléments du système
Dans un groupe résolu dans son affinité du moment, on est, quelles que soient les circonstances, "impliqué" positivement ou négativement, par le regard, le comportement, l'action d'autrui, sans l'avoir nécessairement voulu; en tant que psychologue ou sociologue, médecin ou infirmier, aide soignant ou assistant social , animateur ou bénévole, observateur/observé, visiteur/visité ...
On est impliqué simplement parce qu'on appartient à cette unité humaine du moment. On fait partie du "système" relationnel et on ne peut s'en abstraire que par une attitude de type schizophrénique, ou ... contribuer à l'émergence d'une nouvelle sensibilité ...
Mais... en effet, cette "société" étant profondément inadaptée à la vocation existentielle et spirituelle des hommes, on ne peut s'y intégrer sans casse ...
Comme dans les maisons de retraite (qui ne sont que le dernier acte de l'épopée catastrophique de notre société) , où on assiste impuissants à la livraison des corps à cette froideur du 'neutre', qui médicalise à outrance un événement naturel comme la mort ... qui traite la chair et l'esprit comme des mécaniques à rafistoler, sans s'interroger sur le sens des maladies et accidents... qui occulte le sens des existences, soustrait par la soi-disant efficience professionnelle... en un mot, qui fait de La Mort un moment escamoté, indigne de toute humanité...
...Effet de l'avènement de l'adulte, que caractérise une aptitude remarquable à ne pas penser pour mieux obéir au mouvement du monde.
L'habitude de la réponse contre la culture de la question...
Alors ,si l'homme est façonné par les circonstances, il est nécessaire de façonner humainement les circonstances ... et de donner à chacun l'espace social pour l'extériorisation essentielle de sa propre vie...
C'est la fameuse différence entre changement passif et changement actif, c'est à dire entre celui qui subit les événements et celui qui veut être sujet d'évolution... C'est une question de liberté ... et de pensée... Mais la liberté de penser ne vient pas toute seule : même si elle est virtuellement présente en chaque humain, il faut la développer et l'entretenir par un effort constant.
Parce que la pensée n'est pas quelque chose d'ordinaire . On ne pense pas pour s'adapter à la vie ordinaire, mais pour élever la vie ordinaire à la hauteur de la pensée .
Au contraire, à la place de l'attention personnelle , de l'empathie ,de la créativité, qualités indispensables à toute activité humaine... pour chercher toujours des voies nouvelles en toutes choses, pour combattre l'immobilisme de toutes les situations acquises ...,on poursuit un idéal de conformité, de dépersonnalisation et de neutralité émotive.
En effet, c'est vrai, on fait de plus en plus des formations professionnelles , on les finance, mais, loin de nous la préoccupation de nous poser la question sur leur sens ...
Leur rôle n'est pas de rendre les gens plus explorateurs ou pensants. Pas non plus de transmettre des contenus, mais de produire des individus comme des rouages, destinés à la machine sociale, voilà leur fonction véritable!
Prétendant transmettre des savoirs, elles ne font qu'apprendre à obéir , à se comporter en groupe, à se soumettre aux règles, à lutter pour l'adaptation dans le but d'occuper la place du dominant.
A notre naïf avis , une formation devrait être, en premier lieu, une sorte d'éducation ...un avancement dans le développement des capacités de réflexion critique sur les conditions sociales, politiques, culturelles dans lesquelles les individus existent...
Mais , à notre époque , elle ne fait que prôner un discours sans fondement, diffusé et répété inlassablement, ne transmettant plus le moindre contenu réel, s'imposant comme le seul et véritable événement digne d'attention; et une quête de la nouveauté en tant que nouveauté , dans une incapacité de recueillement, une agitation sans fin ni finalité.
Et ces formes, qu'Heidegger appelait les figures de la "vie inauthentique" , accèdent à une position dominante en tant que critères opérationnels et infantilisants , et deviennent des modèles de production autonomes et positifs... Ainsi, dans le vide des enjeux pour le profit et le pouvoir, qui exclut tout ce qui est singularité, mort, douleur, souffrance, "hors-norme"... et qui impose un comportement global d'évitement des événements dérangeants ... la subjectivité fait naufrage... entre une élite de gardiens nocturnes et une masse d'endormis...
De quoi s'étonner, donc, quand dans les établissements (et aussi dans toute autre structure analogue) , qui devraient accueillir, soigner, soulager, soutenir des êtres qui traversent la phase la plus sacrée de l'existence, on assiste aux plus ignobles désaffections ?
Le regard qui suit n'oublie pas non plus , en paraphrasant Nietzsche, que si l'on enquête sur le passé d'un fautif, on retrouverait impliqués dans la faute, les parents, les éducateurs, la société en général, et ensuite,bien souvent , les juges mêmes ... C'est à dire, que les actions des hommes réels ne naissent pas du vide, mais surgissent d'intérêts concrets et de conflits d'intérêts, avec des caractéristiques spécifiques, déterminées par le contexte socio-politique qui les alimente... dans lequel , dans le bien et le mal, on est tous , encore une fois, "impliqués"... parce qu'on est toujours indissociables de l'objet étudié ...
Ce qui ne veut pas dire, pour autant, renoncer à l'exercice de la responsabilité; justement pour essayer de dessiner un lien social où chacun serait aussi l'acteur de la liberté d'autrui .
En rompant la loi du silence et en s'indignant du mutisme de rigueur... dans cet univers sans normes ni contrôles suffisants... où on entend malheureusement souvent cette phrase " nous n'avons pas de compte à rendre "... qui révèle un schéma de pouvoir totalitaire où le soignant (or)donne et le patient reçoit (et doit se taire).
Une relation de domination absolue, où la contestation, le refus, l'évaluation, l'expression de l'avis du patient, et on ne parle pas de celui de la famille ou du bénévole, sont reçus comme des agressions par certains soignants; lesquels totalement engloutis dans une relation dérivée d'une culture du plein pouvoir se croient affranchis d'une analyse simple, empathique, qui consisterait à se demander si l'on supporterait ce que l'on impose à l'autre...
...Quand se présente le virage où le corps et l'esprit se désarment, ce moment particulier où la personne devrait être véritablement honorée dans son humanité... Quand le physique devient presque infidèle à soi même, et demande le plus de respect ... des gestes gracieux, protecteurs ... des paroles prévenantes , délicates...
Puisque "l'unique et la seule solidarité entre les hommes est la solidarité face à la mort", comme le sollicitait Albert Camus...
En revanche, quel est le spectacle qui capte, effronté , notre regard de bénévole abasourdi?
Les différents visages de la violence ... "extrême" ou "ordinaire"... où la joie de vivre, la solidarité, la compassion, le re-spect à l'égard d'autrui se découvrent vraiment, ainsi que le disait Guattari, comme des sentiments en voie de disparition ...
...Attendre trois heures pour être levé et lavé, être abandonnés en fauteuil ,tout l'après-midi, dans les couloirs de la maison, là où on ne gêne pas...
Par obligation, par paresse ou par facilité, être «contenu», selon l'expression consacrée; contention physique: être attachés; contention chimique: être bourrés de médicaments.
N'être jamais promenés ; n'être jamais stimulés; ou être conduits à une activité, même lorsqu'on ne veut pas y aller...
Subir ... la course, entre les toilettes, les changes, le ballet des fauteuils à midi, le goûter... Les incursions dans la chambre sans frapper; le non-respect du rythme et de l'intimité ; parfois être préparés pour la nuit dès 16 heures ,et dîner dès 17 heures, parce que c'est plus pratique...; et une fois dans le lit, les barres levées, rester impuissant... à choisir le moindre geste, jusqu'au matin suivant; se soumettre aux décisions "brutales" de transfert/extradition d'une maison de l'assistance publique à une autre; encore, endurer les changes d'incontinence quand on supplie d'être aidés pour aller aux toilettes; tolérer d'être soignés comme des poulets de batterie: un comprimé fourré soudain dans la bouche lorsqu'on est en train de boire sa soupe ou de sommeiller ... Ou souffrir des soins et des aides à la vie quotidienne mal prodigués , ou pas prodigués de tout ; meurtris de ne pas avoir de réponses aux appels ; peinés de l'absence d'écoute, d'attention, et surtout de présence de la part des médecins ... des curateurs, des tuteurs ; Respirer l'impatience et le mépris d'attendre qu'on fasse les choses soi-même ; traités comme des objets ; rudoyés, brusqués, bousculés ... pour empêcher d'encombrer, c'est-à-dire d'exister ... Et les insultes, les remarques désobligeantes, les cris ... les menaces , le chantage, les privations diverses, l'isolement... l’INDIFFÉRENCE…
... De plus, gare à celui qui objecte... Il remet inconsciemment en question le pouvoir soignant, et s'expose bien involontairement à des phénomènes de représailles. Les personnes âgées en perte d'autonomie mentale sont , à souhait, les plus vulnérables. Celles ,encore capables de signaler des mauvais traitements se taisent, parce qu'elles craignent de créer un scandale dans l'établissement où elles résident. Ou, aussi et surtout, car elles se sentent coupables de leur état de dépendance et pensent être à la charge de la société, insignifiantes et sans aucun droit...
Les témoins, proches ou professionnels en contact avec les victimes, ont souvent tendance à nier les problèmes ou à sous estimer les souffrances des aînés. Arrivant à minimiser les plaintes et à culpabiliser véritablement le malmené-intimidé . ... Dégénérescence du fatalisme qui a tenu lieu de politique depuis des décennies...
...Selon une enquête de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales -Drass-, 47% des résidents en maison de retraite de l'Ile-de-France sont considérés comme déments.
L'étaient-ils tous avant leur entrée en établissement?...
... Enfin ... Mourir ... Seul . Le corps qui attend d'être embarqué vers sa dernière demeure, dans un cercueil réfrigéré, une chambre désolée, . Encore une fois, seul ... Dépouillé d'amour, d'amitié, de compassion ... Parfois aussi d'un dernier vêtement... Une expéditive cérémonie si on était croyant … Aucun rite de passage, si à l'admission on s'est déclaré athée… Et … personne pour souhaiter bon voyage ...
Même si on a sur-vécu dans la même maison de retraite pendant plus de quinze ou vingt ans...
Les mêmes problèmes persistent, avec quelques nuances et quelques "plus", pour le maintien des personnes à domicile... (1) Personnes souvent sans famille, mises sous tutelle ou curatelle, à cause principalement de la maladie d'Alzheimer, approvisionnées de toute une panoplie d'aides, administratives, logistiques, médicales, sociales, théoriquement censées endosser les difficultés du quotidien ... Un petit bataillon formé d'aide-ménagère, infirmier, médecin de famille, assistant social ... qui évolue dans une manque de cohérence et d'interaction.
Aide-ménagère et infirmier qui débarquent, à tour de rôle, au domicile de l'heureux gagnant... tous les jours, sauf fériés... plusieurs fois par jour ... Pour effectuer ménages et soins, approximatifs, sinon inexistants ... pure ingérence dans la sphère privée sans aucun progrès ou rebondissement, confirmé ou manifeste ...et, avec en prime le turn over permanent... qui ne fait que déstabiliser encore plus le soi-disant assisté...
Le médecin de famille, qui brille pour la rareté des apparitions ... systématiquement et notamment en situations de besoin...
Le curateur... ou le tuteur qui devrait être la vigie infatigable de ce petit navire, lequel malheureusement, dans la majorité des circonstances, chavire de partout, qui même en cas de crise ou d'urgence ne prend jamais la peine de vérifier les conditions de vie des usagers. (2)
Fatigués, affligés, désabusés, déprimés... tous ces clients sont à la limite plus seuls et abandonnés qu'auparavant, envahis par cet attirail d'acteurs sociaux et de services, qui, en fait, se révèlent plutôt inconsistants sinon tout à fait contrariants... Voire dangereux, parce qu'ils les entraînent, inexorablement, sur le chemin des maisons pudiquement dites de repos.
Où se prolongent, encore plus banalisées, les mêmes logiques de la recherche de "profits" de la part d'investisseurs sans scrupules, qui misent sur la courbe démographique et un marché de la dépendance en expansion, pour s'enrichir avec une activité dont le premier objectif devrait être le bien être et la prise en charge de la personne âgée et absolument pas la "rentabilité, qui est la norme et qui est à l'origine des abominations diverses effectuées sur la chair et l'esprit de l'ancien , réduit à la condition de marché à rentabiliser.
Comment ne pas se plaindre de ces cruautés quotidiennes qui, additionnées, précipitent les personnes âgées vers une fin cauchemardesque...?!
Dans un paroxysme de souplesse on pourrait supporter, peut-être, et avec un effort inouï, que pendant quelques jours, dans l'attente d'une indépendance retrouvée, on soit maltraité, et/ou que quelqu'un qu'on aime et/ou un simple être humain, soit traité d'une façon un peu brusque ou avec négligence ou insuffisance...
...MAIS si, surtout vers le soir de l'existence, celle là sera l'unique façon d'être considéré... jusqu'à la fin de son propre temps relatif ... l'affaire devient louche, pesante, insupportable, monstrueuse, inhumaine, inacceptable, immorale, incompréhensible, terrible, tristissime ... et on subit l'opprobre des mêmes épithètes lorsque l'on est spectateur passif, acceptant, encaissant, en un silence coupable... ces figures de l'intolérable ...
...Cette situation nous renvoie à un questionnement, pas du tout déplacé ou provocateur, sur le statut réel des nos doyens: sont-ils encore réellement des êtres humains pour les personnes qui s'occupent d'eux?
Et, plus encore,les personnes qui s'occupent d'eux, sont-elles encore réellement des êtres humains?
Où se situent la fraternité, l'égalité ?
Dans mon escale chaviré en cette politique de la terre brûlée, où dans un amalgame de destin, interdits de dignité, asservis, effacés, et sans aspiration de fuir leurs cachots, moisissent et gémissent à peine ceux qui passent leur vie à la perdre... comme à expier le péché capital ... d'être nés... je revendique mon rôle de bénévole, au delà de sa vision caricaturale et caritative, me refusant à parler pour, mais réclamant pleinement la tâche et le devoir viscéral d'être avec...
...AVEC ...tous ces corps réduits à leur plus simple expression...
Corps improductifs qu'on concentre et conserve dans ces lieux de confinement réservés aux réprouvés, parqués pour cause d'inutilité sociale caractérisée.
Forcés aux compositions régies par l'institution: emploi du temps, répartition des chambres, renoncement au peu d'autonomie qui reste au profit d'ordres venus des responsables annonceurs des heures du lever, du coucher, des repas, obligeant au déshabillage, au lavage, au calibrage, auxquels on ne consent qu'en abdiquant .
Évincés avec le même empressement avec lequel on a immolé leur liberté, leur vie, leur énergie, leur existence, au cours de leur période active où ils s'évertuaient à nourrir la machine sociale... Qu'aujourd'hui définitivement les abuse ...
...AVEC ... ceux qui, pareillement abusés, vivent et travaillent avec eux et qui ne se révoltent point de cette condition de servitude qui est aussi la leur !
Parce que, comme précise Michel Onfray, la servitude définit la situation dans laquelle se trouve une personne pour laquelle les devoirs exigés d'elle sont supérieurs aux droits dont elle dispose. Et esclaves sont tous ceux qui subissent le joug de ces sociétés et n'ont pas d'autre alternative que de se soumettre à l'autorité incontestable de cette vaste entreprise de spoliation des individus. Car, sans ces chaînes ils n'auraient de quoi survivre...
Que peut-on, donc exiger des êtres humains, en matière de devoirs, quand la société et la politique n'honorent plus rien de ce qui fait le pacte, notamment en matière de sûreté, de dignité et de satisfaction des besoins élémentaires?
Salaires de misère, cadences infernales (quand on demande à une personne de faire le travail de plusieurs, elle s'y emploie de façon mécanique, brutale, déshumanisée....), précarité de l'emploi, abrutissement, asservissement, soumission des esprits à la démultiplication infinie des répétitions; huit heures par jour, cinq jours sur cinq, onze mois sur douze.
Pendant plus de quarante ans, dans un espace qu'on n'a pas choisi et où on est contraint de demeurer...
Que reste-t-il pour vivre?
Leur condition me met en colère tout autant que celle des "Anciens"...
Encore plus, quand, en contrepoint, à côté de toutes ces injustices radicales, rayonnent milliers de gestes fugitifs de tendresse et d'attention; paroles offertes, sourires complices, regards amis, affections sincères, sollicitudes prévenantes, pensées émues, de la part d'aides soignant(e)s, infirmièr(e)s, animat(eur)rices…Des insoumis qui, avec ces actes de l'indicible … r-ésistent …
Et tyrans ceux qui se font les administrateurs, les fonctionnaires, les percepteurs de cette logique perverse de la désinvolture ... qui requiert l'homologation de tous les hommes comme condition de leur existence.
Qui nous répète qu'on obtiendra le succès plus facilement si on s'adapte aux exigences des autres ... que ce qui "paye" c'est l'uniformité la plus rigoureuse ... que la capacité de s'adapter à l'organisation est la seule condition pour avoir une quelconque influence sur elle ... et naturellement on renonce ainsi à réaliser soi-même...
Du reste, si on tente d'élever une objection, on trouve toujours quelqu'un qui nous convie à une saine vision réaliste des choses ... même si on reste convaincus qu'une acceptation sans discussion de l'existant se rapproche plutôt d'une position surréaliste que d'une représentation fidèle du réel ... (tout est nécessaire ou possible, et rien n'est simplement réel).
Mais encore, on veut nous expliquer, dans le but d'éviter que l'adaptation soit vécue comme une coercition, que le monde dans lequel on vit c'est le seul et unique possible et que n'existent pas de meilleures possibilités d'existence... et que les obligations et l'obéissance demandées ne sont que des conditions naturelles...
C'est pourquoi le conformisme devient la condition d'existence de l'inconscience de la conscience homologuée ...réduite au minimum de l'élaboration des contextes vitaux; autonome, séparée, impassible ... Laquelle oublie , premièrement, que l'égalité , en général , n'est pas un but à atteindre . Elle est un point de départ. Et que dans une société qui n'est qu'une machine à décérébrer , qui prêche le désenchantement du monde , le pessimisme généralisé et qui brise systématiquement l'humanité dans l'humanité, vibre une urgence : rétablir l'équité.
Non pas après s'être demandé qui n'est pas victime ou criminel dans notre État-police-de-conscience...



(1) ... à part, une brève section sur un "destin" particulier, dont j'ai été le désappointé témoin, dans le paragraphe:. M: Le Travail d'exister et de résister ...
(2) À peine un tiers des gérants, dit-on, leur rendent visite ... De plus... il serait souhaitable d'exiger des gérants de tutelle qu'ils puissent se prévaloir d'une formation sérieuse, mais aussi qu'ils accompagnent psychologiquement les personnes protégées ... Ou qu'ils les accompagnent 'tout court'...
... En outre, le juge des tutelles qui aurait l'obligation d'entendre scrupuleusement et régulièrement la personne qui va être protégée, semble-t-il , n'en auditionne qu’une sur trois seulement ... encore que ... "Qui juge les juges?" ...



L'EUTOPIE DU BENEVOLE


"... Forcer les portes que chacun préfère frôler sans y toucher..."
'Faust', Goethe


 
...Faire l'expérience directe des règles, signifie reconnaître leur caractère conventionnel et infondé...
...Comme faire l'expérience directe d'une notion molle du bénévolat qui ne remet rien en cause et qui tient les problèmes sociaux pour une fatalité sur laquelle on n'a pas de prise, laisse place à l'exigence d'une solidarité active, fondée sur l'exercice d'une conscience critique... au dehors des limites de toute société… pour les errants et les conquérants de l'inutile ...
Qui répondent: présent au présent,
Qui ne s'en absentent pas...
Parce que s'en absenter prendrait la forme de la personne qui dit avoir obéi aux ordres pour justifier l'horreur...
...Après tout, la tâche d'un être humain libre face à une situation d'avancée de la barbarie n'est pas tellement de rêver dans quelle situation idéale il aimerait vivre, mais d'assumer la liberté qui existe dans chaque fait de résistance, en reprenant là le concept de Deleuze, pour qui résister, c'est créer, construire .
Construction qui passe par le développement d'une myriade de relations "non utilitaires" avec les autres, avec le monde et nous mêmes...
...Parce que l'efficacité de chaque acte libre se trouve dans l'acte lui même.
Tout ce que nous pouvons faire c'est "faire ce qu'il faut faire"...
Et au delà du "bénéfice" de l'acte, qui pense l'engagement encore en termes d'"utilité", et qui n'est, en effet, qu'une impression de surface, nous intéresser à ce qui, dans chaque situation, apparaît et existe comme défi et être ...
La grille qui en résulte et qui vient à la vie, est animée de vibrations insoupçonnées et augmentations soudaines d'énergies, coagulations de lumière, tunnels secrets, surprises... Qui dans une mosaïque de regards, déliés entre eux ... seulement en apparence ... suggèrent... indiquent... la voie que l'ancien oracle de Delphes manifestait comme celle de la santé de l'âme ...
A suivre ...pour ne pas se laisser envahir par certaines psychologies de l'adaptation, de plus en plus prédominantes, qui invitent à être toujours moins soi-même et toujours plus convenable à l'apparat; à ajuster ses idées et réduire les dissonances pour les harmoniser à l'ordre fonctionnel du monde ; à conformer sa propre conduite , de manière indépendante à ses propres sentiments et ses propres idées.
A adopter... pour ne pas accepter la situation paradoxale de nos sociétés conformistes et homologuées , où l'authenticité , l'être soi-même, le connaître soi-même , tout ce qui s'éloigne de la recherche d'intérêts ou de pouvoir, toute pratique de solidarité , deviennent quelque chose de pathologique, ou apparaissent comme étant optionnels, simples questions d'opinion , et réveillent même quelque "soupçon" ... ...
Face à cette logique qui phagocyte l'humanité et détruit la vie et la liberté, assumer concrètement cette "résistance" et la ré-proposer comme "exigence ontologique" .
Effectivement, dans mon action "eutopique" de bénévole décidée à rompre avec le cercle vicieux du malheur et du secours, voulant aller de la simple solidarité sociale vers la fraternité humaine , je me suis retrouvée, plusieurs fois, confrontée à l'"activité jugeant" de l'Ego débordant de ce "système social", qui se dresse en censeur de toute pratique essayant d'endiguer l'expérience dévastatrice d'une politique qui a pour objectif premier de placer les individus dans un rapport inversé au monde.
Les contraignant à accepter que les relations entre les êtres passent par l'argent et que l'échelle des valeurs soit établie par la rétribution... les obligeant ainsi à consentir à l'inégalité...
L'axiome sous lequel fonctionne ordinairement le dit système... Enfanté par la rhétorique des deux "princes de la guerre" du siècle dernier, l'État, qui affirme: sans pouvoir, on n'est pas , et le Marché , qui prétend : sans richesse on n'est pas...
Et auquel, le bénévolat, né de ses interstices, s'oppose, ou devrait s'opposer ; au nom de la joie, de la créativité, du rêve... du don ..
Mais chacune de ces insolites ouvertures ne prendront de sens qu'à la condition qu'une véritable expérimentation sociale en soit le guide, conduisant à une évaluation et à une ré-appropriation collective, enrichissant la subjectivité individuelle et universelle, plutôt que de travailler, comme c'est malheureusement trop souvent le cas avec les mass-médias actuels, dans le sens d'un réductionnisme, d'un sérialisme, d'un appauvrissement général...
Le bénévole doit alors faire cet acte de passer de l'aide, aux actions de transformation du système, qui est générateur structurel des causes qui demandent le bénévolat ...même si ce concept de "pratique" se trouve, aujourd'hui, momentanément on l'espère, affaissé… ...
Dans ces conditions, il doit observer et comparer, raconter ce qu'il a vu et vérifier ce qu'il a dit; ne pas penser qu'il ne lui est pas possible ou pas nécessaire d'en savoir plus, car l'obstacle n'est jamais dans l'ignorance, mais dans le consentement. Ne pas se satisfaire de ne pas "pouvoir" faire quelque chose par l'assurance que d'autres ne le peuvent pas davantage ... Et contribuer ainsi à inventer quelque chose comme une politique à la première personne, dans des formes d'organisation nouvelles, où les distinctions entre le social et le politique, la classe et sa conscience, le singulier et l'universel, etc. s'effacent, et où la signification politique de ses actes est immanente aux actes eux-mêmes.
Cela permettrait d'évaluer aussi dans quelle mesure l'activité bénévole, en tant que don et échange de réciprocité, puisse aider à redéfinir les besoins, les échanges et les droits, sociaux...
Mais, pour faire ça, seul une organisation ouverte à l'exploration, un groupe où chacun a besoin de l'interpellation de l'"autre" pour cheminer vers ses valeurs ultimes et pour en faire une véritable force intérieure, peut fournir les instruments, les programmes et les espaces de débat qui canalisent les efforts individuels vers un produit de signification sociale authentique ... Une organisation qui ne se limite pas à l'assistance ou au repérage de biens et de ressources, mais qui introduise des visions antagonistes à l'intérieur de son engagement volontaire. Au moyen d'une logique extérieure à la logique du profit économique dominant dans notre société et qui représente un conflit potentiel , en termes éthiques , avec les promoteurs de l'enrichissement individuel considéré comme le fin ultime de l'homme... Avec une conscience de la complexité des contextes sociaux modernes, habile à stimuler rôles et solutions, et capable de se dessaisir d'appels à l'exemplification. Des associations de bénévolat comme des antennes pour des besoins plus nouveaux et plus sociaux... Qui considèrent notre société, non pas seulement comme un organisme productif, mais comme une communauté d'hommes et femmes, vivants ... Qui aident les faibles à livrer combat à leurs oppresseurs... Qui comprennent pourquoi les choses ne marchent pas... Qui affrontent directement les problèmes et cherchent des solutions nouvelles pour les résoudre ... Qui agissent librement pour un monde qui soit meilleur pour toute l'humanité... ...Qui ne confondent pas le bénévolat, qui a comme fondement le don comme réciprocité qui crée lien social et relations avec les personnes, avec la philanthropie qui se fonde sur le don comme "munus", simple concession qui crée dépendance en qui le reçoit... Qui ne se laissent pas transformer dans une 'ultérieure' ressource disponible pour les administrations publiques diverses, en outils, moyens opérationnels à bon marché dont les gestionnaires peuvent se servir pour des démarches absolument étrangères et le plus souvent opposées à l'éthique du bénévolat même, comme la réorganisation de l'État social orientée au but prioritaire de l'abattage des coûts; à l'extériorisation de fonctions et services , autrefois organiquement afférents à l'organisme public, selon le même modèle d' "outsourcing" qui guide la restructuration industrielle, formant ainsi un second marché du travail dans le champ des services aux personnes, moins garanti et plus motivé , etc. etc. etc. ..
Mais qui, surtout, comprennent que le rôle du bénévole a changé ... et qu'il est le témoin d'une exigence et l'acteur d'un changement radical dans la société civile... le geste de contestation le plus radical contre la mondialisation marchande qui voudrait que le temps ne soit que de l'argent.
Parce que, comme disait Guattari:" Si on ne réinvente pas ces pratiques de solidarité, des praxis de la construction de l'existence, on risque de s'engager dans une épreuve de dépression catastrophique. On ne peut espérer recomposer une terre humainement habitable sans la ré-invention des finalités économiques et productives, des agencements urbains, des pratiques sociales, culturelles, artistiques et mentales. La machine infernale d'une croissance économique aveuglément quantitative, sans souci de ses incidences humaines et écologiques, et placée sous l'égide exclusive de l'économie de profit et du néo-libéralisme, doit laisser place, réhabilitant la singularité et la complexité des objets du désir humain, à un nouveau type de développement qualitatif,"... à un certain nouveau regard...
Celui du bénévole/insoumis, qui à l'optique sèche et aveugle au sens de la vie, de l'expert et du technocrate, pro-pose la vision toujours neuve, épurée, disponible de l'enfance et de la poésie... Constamment en condition d'émergence, pour ré-orienter les finalités technologiques, scientifiques, économiques d'un État qui se fonde non pas sur le lien social, dont il devrait être l'expression, mais sur sa dé-liaison...
Travaillant, en résistant, ce qui fait échec ...toutes les chaînes de l'opinion courante sur la naissance, la mort, le désir, l'amour, le rapport au temps, au corps, aux formes vivantes et inanimées... Dans une transgression innocente , qui forge des enlacements polyphoniques entre l'individu et le social.
Promouvant dans tous les lieux où nous agissons comme bénévoles la perspective d'un choix de la diversité, du dissensus créateur, de la responsabilité à l'égard de la différence et de l'altérité. Une écologie mentale des rapports interpersonnels de type nouveau, une transformation des mentalités et des habitudes collectives, sans lesquelles il n'y aura que des mesures de « rattrapage » à la misère morale, à la perte de sens qui gagne toujours davantage la subjectivité des populations déracinées, non garanties et qui abolit la différence spécifique entre les expériences du monde qui sont à la base de tout besoin "communicatif"...
Presque, alors, expérimenter dans un parcours de conscientisation commune, une sorte d'auto-éducation, mais différente de celle que jusqu'à maintenant s'est faite l'instrument final de l'homologation des êtres... Une éducation qui soit connaissance qui UNIT, et qui soit capacité de se comprendre, de se lire, d'être intelligible, capacité de percevoir l'existence des autres et de toute chose, par Reconnaissance, dans un principe d'équivalence, parce que nous existons nous-mêmes avec ces réalités .
Une éducation selon laquelle chacun est pour un autre cause de savoir, sans transmettre nécessairement aucun savoir spécifique; mais simplement le poussant à mettre en oeuvre la capacité qu'il possède déjà, la capacité que tout homme a démontrée en réussissant sans maître le plus difficile des apprentissages: celui de cette langue étrangère qu'est pour tout enfant venant au monde la langue dite maternelle. Suivant la leçon du "maître ignorant" Jacotot, dont le philosophe Rancière se sert pour dénoncer la dissonance inouïe sur laquelle se perpétue le paradoxe extrême des pédagogies de notre époque...
Observant cette ligne de fuite "penser notre vie en termes d'actions restreintes et d'universel concret", comme spécifie le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayg; avancer un autre mode de fonctionnement; marquer une volonté radicale au changement, ici et maintenant, dans les esprits et dans les corps; prouver qu'il est d'ores et déjà possible d'agir selon une 'autre logique', qui ne soit pas celle productiviste du profit, de l'autoritarisme. Dans des dynamiques transitoires, arriver à mettre en question le système lui-même ; célébrer les idées de bien commun, d'intérêt général, de droits universels , de gratuité et de ...diversité, pour un avancement humain dans la solidarité.
Irréductibles, refuser et résister aux injustices, aux inégalités; de plus , si c'est inimaginable pour certains ou malheureusement infaisable pour d'autres...
Rêver, s'indigner, livrer bataille pour une autre civilisation dans la convergence des combats; parce que toutes les luttes n'en forment en réalité qu'une seule ; n'importe quelle lutte, si on pousse la réflexion au bout, si on veut trouver des solutions réelles et durables, rejoint toutes les autres, par le haut , dans une "fusion" dynamique et féconde d'élargissement et d'enrichissement au lieu d'une juxtaposition hétéroclite, limitée, et finalement stérile... Et débouche sur la nécessité d'une transformation totale...
Oeuvrant pour un avenir, aussi peut-être en forme de peut-être ...
Et même si on n'avait pas ( chose qui n'est pas le cas ) une seule proposition concrète à formuler ( véritable chantage à refuser ) la révolte ne serait pas moins justifiée .
"L'indignation est un commencement . Une manière de se lever et de se mettre en route...", explicite Daniel Bensaïd.
Une action qui porte à l'amélioration personnelle et collective . Parce que lutter , critiquer les totalitarismes existants, proposer d'autres modes de vie ensemble..., apprend surtout à vivre concrètement autrement, évitant de reproduire les aliénations et oppressions contre lesquelles on lutte; à remettre en cause nos mentalités , à les changer en vivant différemment sur tous les plans ( économie*, politique, relations, éducation...). et permettant de la sorte de changer de société...
...Une société où toutes les luttes alors deviendraient inutiles...



*Encore une fois, à propos des mots, parce que le "dire" ne "reste" plus caché derrière le "dit"... le jeu de l'étymologie peut nous venir en aide...
Par exemple, dans la langue grecque, la parole économie apparaît comme mot composé: oikos et nomìa, nomos ...
Oikos, dans son sens le plus étendu signifie demeure; mais il indique aussi, dans une signification plus forte, plus métaphorique, le lieu dans lequel On Est, dans lequel on trouve enfin le repos . Le lieu de la "non errance", du "non erreur"; qui nous renvoye à un ordre de vérité...
Nomos signifie valeur,loi...
De cette façon le mot économie, semble donc doublement engagé avec le thème de la vérité...plutôt...



ABSENCE(s)


"La surestimation de la raison a ceci de commun avec le pouvoir d'État: sous sa domination, l'individu dépérit."
Carl Gustav Jung




 En vue de ce peuple qui 'manque' encore ... continuer dans l'esprit d'aventure de l'âme , faire déborder l'entier, la profusion de plénitude ; respirer son excès d'inconnu et d'inconnues .
Répondre à l'appel ... dé-tisser l'oubli de l'être... Au lieu d'oeuvrer au rétrécissement, aux constrictions ...
Même si on "sait", et on le sait depuis longtemps, que les défaites de la partie la plus ambitieuse des aspirations humaines se répètent de manière cyclique...
Même si on a du mal à comprendre pourquoi certaines choses conquises dans l'expérience commune, à la recherche convaincue de buts extraordinaires et difficiles puissent être réversibles; même si on a de la peine à supposer que certains points de conscience atteints en incandescence soient révocables... même si c'est inconcevable qu'on fasse marche arrière et qu'on puisse éteindre le sentiment que l'homme soit Dieu à l'homme.
Et se dire donc que , peut-être, au cours de l'histoire , on ne s'est jamais vraiment efforcé de manière universelle à comprendre l'essence de l'"affectus" du "bonum commun", auquel plus il y a d'hommes qui y participent, plus il y en a pour tous, comme aurait pu dire Spinoza.
Et s'évertuer alors à pénétrer le rapport entre amour et connaissance , de soi et de l'autre... En s'inscrivant dans une pratique et se mettant à l'épreuve du réel... Mais , sur une voie de démesure, élargissant nos visions humaines vers une passion et un horizon cosmologiques...
Pour re-trouver un autre niveau de l'existence , le Commun, comme expérimentation qui nous regarde, tous ! Pour renouer avec un bonheur , qui soit harmonie, coïncidence avec l'être, dépassement des pulsions immédiates, des calculs... ...Quand on se sent ré-uni à un ensemble, à un tout... Dans l'organisation de choix infinitésimaux greffés en résistances moléculaires dans l'étoffe très serrée du quotidien des sans-voix; où on peut choisir la commodité, la stase , le mimétisme, finissant par construire une vie de déserteur, ou embrasser la connaissance, la résistance, le devenir .. pour une auto-structuration et une auto-valorisation du temps ...
Ce que Jack London appelait le Sud de l'existence, ce pôle où l'expérience coïncide avec son récit, l'écoulement d'une présence commune, qui ne sait se dire autrement...
Mais il y a des comportements, des manières d'être et des usages de relations sociales qui nuisent à la vie car ils lissent la multiplicité et masquent l'unicité dans la dépersonnalisation, ne tenant pas compte des lois de l'unicité, des particularités et des individualités ; qui augmentent les contraintes, créant des tensions accumulées.
C'est pour ça, encore une fois, que le bénévole,comme le poète, tente avant tout de re-conquérir le cri de révolte face à la nécessité et face à toute aliénation de la condition humaine...
Et à ce moment-là,  le simple fait de se rencontrer les uns les autres devient en soi une action contre les forces qui nous oppriment par l'isolement, la solitude, la transe des médias ... La convivialité que le bénévole essaie d'apporter (dans notre cas) en maison de retraite régénère de la sorte l'expansivité de la générosité, qui lutte pour devenir le coeur d'une nouvelle société, évoluant à l'intérieur de la carapace corrompue de la vieille... Et réactive un investissement qui l'aide et aide à dessiller les yeux devant la douleur de tout un peuple dont on a défiguré la parole, devant la réalité rugueuse d'un absurde rationnellement installé dans le quotidien...
Un quotidien,redoutable, et qui manque de précipiter dans ses artifices tout le monde : aîné, travailleur social, bénévole ; lesquels, parfois marqués profondément par la faiblesse des ressources symboliques de notre culture , risquent de réagir aux événements et aux situations, de façon plus ou moins adaptée, c'est-à-dire par conditionnement,sans qu'il y ait le concours de la pensée réfléchie et explicite.
Dans une mortification de la demande constitutive de la conscience , qui la condamne à rester clandestine dans la relation sociale , avec les dangers connectés à la régression émotionnelle qu'on constate chaque fois qu'elle est contrainte de devenir un état d'âme muet...
Heureusement cet habitus peut être renversé si un individu réalise ou subit une transmutation de son univers symbolique… …Il s'aperçoit alors que les effets de cet essor de conception se ramifient dans l'ensemble de son espace jusque dans ses gestes de tous les jours... unifiant culture professionnelle et culture du quotidien , le travail et la vie; se déployant du désinvestissement à l'enrichissement de soi-même...
Même si cela suppose que les travailleurs recouvrent la maîtrise des conditions, des outils et des buts de leur travail commun ; une nouvelle culture où les activités productrices cessent d'être des obligations extérieures pour retrouver leur autonomie, leur diversité, leur rythme et se convertir en joie, communication, c'est à dire en art de vivre... pour devenir une tâche et une vertu partout présentes, réglant en permanence la vie individuelle et collective.
Cependant, pour l'instant, l'intérêt qu'on porte à la personne âgée n'a pas comme but celui de la ramener à l'intérieur de la dynamique sociale ou de l'accompagner dans l'accomplissement du soi (ce qui serait déjà trop beau), mais de la neutraliser avec une panoplie de conforts (dans le meilleur des cas) ...
Quand , en revanche, au-dehors de la possibilité de contrôle de la technique médicale. l'essentiel serait la com-passion et tout mettre en oeuvre pour en favoriser l'éclosion ... donner un sens à la maladie et à l'usure du temps, pour toutes les significations subjectives et spirituelles qu'elles possèdent
Miguel Torga chirurgien et poète portugais avertit : "Je trouve que l'homme est une énigme sacrée. Quand il est malade, elle est plus sacrée encore. En tant que médecin, je suis confronté à l'homme dans le moment le plus significatif de sa vie. Cela touche presque à la poésie, parce que la poésie est un absolu et que la maladie et surtout la mort sont aussi des absolus. »
Malheureusement , cette demande du cœur, même si elle est la condition première pour que toute existence trouve sa justification... ne trouve pas de réponse dans l' échange émotionnel avec le monde … Car… une certaine science, ...persiste..., incapable de réaliser un savoir efficient sans supprimer la vision du monde propre à la conscience individuelle; laquelle, dans le seul secret, peut continuer de se poser la question la plus ancienne sur le sens de toutes les choses...
De ce fait toute la structuration de notre civilisation donne l'impression de nier à l'ancien tout futur ; jusqu'à laisser entendre que s'occuper professionnellement du troisième âge soit à considérer un travail "de pure perte"... Car la majorité des idées qui se rapportent au service , ont été dérivées des représentations concernant la production.
Mais il faut justement , pour penser le service d'une manière adéquate, le libérer du paradigme de la productivité.
Selon cette logique notre société continue de favoriser l'existence d'une force travail sous-payée, non respectée, chargée de ressentiment et récalcitrante , qui n'attend que le moment propice pour se délivrer de la dégradation contenue dans l'idée même de son travail. Tout cela procure une exécution aride, privée de fantaisie , au pouvoir d'imagination limité.
Et alors ... contre le service comme servitude , la nécessité dans la vie de chacun de re-conquérir imposante, l'émergence de l'autre, à ne pas entendre, pourtant , comme purement extérieur à ma personne, mais comme présence qui me constitue... Et qui m'accomplit...
Pour pouvoir dire je, on doit pouvoir dire tu ...
En fait chacun d'entre nous vient à la vie, inexorablement , dans un réseau de relations qui lui précèdent et , de la même manière chacun va à la rencontre de la mort, toujours marqué par un réseau de relations, également impossibles à dominer...
L'autre s'impose au je, à partir du fait que ni naissance ni mort, sont à la disposition absolue de l'individu. Dia-loguer, est une condition inhérente à l'accomplissement et à la réalisation de la liberté.
... Pour une idée de service à l'Autre ... en attention constante...
Qui sera sentie comme humiliation et servitude seulement si on s'identifie avec un ego hautain et autoritaire..
Et là encore, des charges considérées comme devoirs ou punitions; nettoyer, réparer, recycler, prendre soin, assister, enseigner, accueillir, répondre, mettre en ordre, conserver, tranquilliser, nourrir, guider, deviendront les modèles pour une idée de service thérapeutique et esthétique..."créatif et poétique", comme dirait Proudhon...
Dans le refus de l'irréversible et de l'insupportable ...
Où on se situe au niveau de l'écoute ...
Mais pour découvrir ce qui nous est étranger, il faut d'abord que l'on découvre en soi-même ce qui est étranger...
Et cela présage une ouverture par rapport à nos habitudes mentales et affectives, et une avancée en ce qui concerne le sens de la vie et le rôle que nous avons à y jouer...
Sur une voie de connaissance de l'être humain qui intègre à la fois les dimensions spirituelle, émotionnelle, corporelle, cognitive et créatrice, où finalement coïncident travail professionnel et travail intérieur... à quelque niveau que ce soit.
"Un grand voyage commence par un premier pas", rappelle la tradition taoïste ; alors, faisons ce premier pas ...



M:LE TRAVAIL D'EXISTER ET DE RESISTER


«Tout devrait être aussi simple que possible, mais pas plus... »
Albert Einstein






Un résumé simple et anodin d'un parcours d'accompagnement ...
Un exigu compte rendu , de faits et gestes …
Un exemple de ce qui arrive, dans cet univers d'assistance, où les choses vont de soi…
Le calvaire d'une femme , passée d'une relative autonomie à la servitude de la dépendance... à cause de l'étroite vision administrative de froids bureaucrates...
Contrainte de se courber sous le poids de la logique existante et persistante d'une société à deux vitesses, à tous les niveaux et en toutes circonstances...
Enchaînée aux conséquences d'attitudes et principes évidemment évidés de sens ... existentiel, moral, social, culturel et politique...
Imaginatifs exclusivement quand il s'agit d'attaquer des suggestions comme celle de ... "dé-fataliser" les "boîtes noires" d'un certain monde social, autant que "les fondements naturels des inégalités", "les nécessités techniques", "la seule politique possible" ; ou quand il s'agit d'ironiser sur des recommandations telles que: encourager à "réapprendre le respect", de soi même et de l'autre pour contribuer à ouvrir des nouveaux espaces du possible à l'action humaine, en particulier à celle des plus démuni(e)s /dominé(e)s...
Mais, bref !
J'ai rencontré Madame M. chez elle, dans son petit studio , la fierté de toute son existence... Veuve, sans enfants; loin, quelque neveu lointain... S'employant dès l'âge de treize ans à gagner sa sur-vie , elle se dit satisfaite et orgueilleuse , excepté quelque regret pour ses lacunes de scolarisation, de son parcours de fille d'ouvriers, grimpée de la campagne à Paris, grâce seulement à son courage et à son esprit d'initiative...
Digne, dans son statut de retraitée , quelque épargne à la clé, elle coule des jours paisibles, et à sa cadence, même si un peu isolée socialement... et avec le bruissement des présages précurseurs de la transformation à l'approche ...
Dans ces conditions, faute de proches présents, je commence à me glisser dans sa vie, doucement, plus comme un familial adoptif que comme une bénévole, dans le but de l'aider, l'encourager, la soutenir... et avec l'enthousiasme, que je croyais appartenir à tous les sujets sociaux et surtout humains qui travaillent en ces domaines, d'une pratique collective dans la tension évolutive de soi-même et des autres...
Notre fréquentation est une succession de réadaptations à des circonstances qui se renouvellent sans cesse; ses pensées, ses sentiments et ses émotions, mais aussi ses sensations, ses intuitions et ses aspirations, ses relations avec les autres et avec ce que l'on appelle l'énergie, dieu, le divin ou l'absolu, selon les convictions...
…"Renaissances" après "deuils" successifs...
Mais bientôt , avec les premières signes avant-coureurs des véritables défaillances physiques, auxquelles je prête les secours initiaux en attendant la lourde mise en marche bureaucratique, et après la parenthèse tragiquement cocasse d'une infirmière, qui "égare" M. au cours d'un bilan de santé à l'hôpital, frappe à sa porte l'"armée du salut" : assistante sociale/curatrice en tête, suivie d'infirmiers, associations d'aide- ménager, repas de la mairie à domicile, etc...
...Et l'inclassable chorégraphie se déclencha...!
Commençant à se rendre compte qu’elle n’est plus en mesure comme autrefois de s'adonner aux occupations quotidiennes, M. se laisse aller à sentiments d'insécurité, d'impuissance, confusion, colère, chagrin, désillusion et méfiance . Choisissant des stratégies qui s'évertuent à réprimer l'anxiété et à éviter le plus possible la confrontation avec son déficit ascendant.
Des stratégies, comme la négation, la projection ou le retrait dans un propre monde fantastique ou un passé actif, qui semblent lui offrir une aide au maintien de l'image positive de soi-même et qu'elle utilise pour exiler de sa conscience la connaissance de sa propre invalidité et les sentiments de honte et d'inadaptation qui l'accompagnent...
En plus elle se sent piégée et incompétente, à gérer la disponibilité infinie d'un temps insignifiant ..
Qui furtivement submerge toute forme de relation, la faisant assister à l'expérience quotidienne et directe de sa vulnérabilité , qu'elle pressent, justement, dangereuse et irréversible...
En fait tous ces personnels et services qui lui ont été assignés... ménage... courses... santé... "superviseur"... sans parler d'un médecin presque inexistant... ne font que briser son harmonie déjà si légère... Les mesures adoptées qui auraient du, au moins, la faire se sentir entretenue et préservée, se révèlent de plus en plus un échec ... Irrécusable.
Une maison, négligée et malodorante, toiles d'araignées aux murs des toilettes; résultat: équipe de désinfection de la mairie...
Clé de l'habitation, laissée à la disposition des différentes aides ménagères dans sa boîte à lettres qui reste toujours ouverte, par manque de serrure.
Frigo, presque constamment vide, surtout le week-end, quand aucun passage n'est prévu; ni des repas à domicile, ni des soi-disant assistantes de vie...
Linge sale et déchiré... sans parler de son état d'hygiène.
Un médecin soignant, par exemple, qui ne savait pas si le dernier infirmier lui rendait encore visite, et qui "me rassure" en affirmant qu'en tout cas l'aide ménagère peut bien accomplir la tâche ...
Infirmier qui, quand il existe, ne prend même pas la peine et le temps de contrôler qu'elle prenne bien ses médicaments... "entre autre"...
Des pompiers presque en permanence dans son studio à cause de chutes récurrentes, qui la laissent souvent des nuits entières par terre avant que quelqu'un vienne la secourir... Et avec des vitres cassées qui ne seront réparés qu'après quelques semaines; au mois de février!
Curatrice qui, alertée des tous ces incidents , trop débordée pour se déplacer, propose que j'exécute des visites surprises à son domicile en prétendant peut-être que je me déguise en inspecteur du travail ...
Médusée face à l'indifférence et au mépris qui suscitent mes réclamations; atterrée face au tourment injustifiable et immérité de M., après d'innombrables signalisations, restées d'ailleurs longtemps sans réponse, j'arrive à obtenir une ren-contre avec tous les "responsables?" de cette, tout simplement, équivoque atteinte à la dignité humaine ... .
La très soupirée ré-union a finalement lieu ( tous y étaient, sauf, bien sûr , le médecin-fantôme ) ; mais, en extrême cohérence avec la pure représentation du vide administratif et bureaucratique, elle ne se révèle qu'une tromperie de plus...
Les choses ne changent guère; carrément ,elles s'aggravent...
Après une énième chute M. est définitivement hospitalisée pour ne jamais plus rentrer à son bien-aimé petit foyer... Lequel, peut-être, avec ses malheureuses économies , contribuera à payer les mensualités de la maison de retraite dans laquelle elle a atterri, après avoir connu l'enfer des hôpitaux à long séjour.
Et où M. est maintenant censée terminer ses jours, chose, qu'en plus elle redoutait tellement... et moi avec elle ...
Dans ce tableau de pouvoir absolu qui récompense scandaleusement l'incapacité, en lui donnant de surcroît bonne conscience, une évidence logique s'impose. C'est à dire:le bénévolat peut s'insérer avec efficacité dans la vaste toile des services, évitant de telles ignominies, seulement s'il est capable de créer efficacement des trames de liaison entre les aspects de programmation et d'organisation et les services sociaux et sanitaires, dans une alliance concrète et sereine, de manière à pouvoir accomplir pleinement ses objectifs primaires. Les mêmes objectifs que ceux des individus qui s'impliquent dans son réseau informel d'assistance... Des individus qui devraient pouvoir, librement ,contribuer à l'évaluation des besoins d'assistance socio-sanitaires qu'on doit offrir aux anciens sans se heurter à l'entrave, entre autres, de faux prétextes déontologiques de la part d'un certain personnel médical et paramédical, (pour la bonne raison qu'ils sont le point de déclenchement et la source de la demande à l'égard d'autres organismes, suite aux nécessités et aux urgences relevées à l'occasion de leurs visites) ; veiller, à la valorisation et à la meilleure application des ressources dispensées sur la base des réelles exigences des utilisateurs; repérer les besoins émergents, en anticiper les réponses, ...avec un bagage minimum d'outils opérationnels, indispensables pour oeuvrer de façon conforme aux exigences de l'assisté. Et, en plus, si vraiment la mission principale du bénévolat est celle de former la culture de la solidarité et d'améliorer les conditions de vie des usagers, ce même bénévolat ne devrait plus se laisser conditionner et contrôler de l'extérieur comme on fait pour les ressources publiques ; mais dans des relations de connexion et coordination avec celles-ci, re-devenir l'essence qui anime le fondement du consortium humain et stimuler et contacter les administrations préposées à la tutelle des droits des citoyens ... assumant finalement aussi sa dimension politique .. Invitant toutes les structures de la société civile à partager son esprit pour éviter le risque de déshumanisation incombant...
Délaisser ces exigences légitime la médiocrité décontractée, à rythmer et régir l'existence d'hommes et femmes, appartenant à la soi-disant catégorie du troisième âge ... sans retour ...
Même si M., à laquelle ne fait pas défaut un certain sens de l'humour , malgré Mr. Alzheimer , continue de flirter avec son imagination, en s'inventant des journées tout à fait différentes de celles, flagrantes et incontestablement réelles, auxquelles elle doit se plier...
J'ai observé, enchantée, plusieurs fois, cette drôle de dame - qui cultive un certain goût pour l'absurde, chose qui fait un de ses charmes - regarder abasourdie et en même temps amusée, comme si elle était au théâtre, des opérateurs, qui n'arrivaient pas à comprendre ses aspects communicatifs... Bien qu'ils passent avec elle 8 heures par jour... Ce qui me pose question: de quoi traitent vraiment les cours de formation adressés au personnel d'assistance à différents niveaux, de l'infirmier professionnel, au psychologue, au médecin, à l'assistant social...?
Mais, revenons à M.
Dans sa nouvelle demeure , même si elle a tout de suite charmé les messieurs et récolté la sympathie des dames, elle souffre des conversations effarées et désordonnées des autres résidents; de la régulation régimentaire de sa vie; des disparitions et réapparitions quasi continues des rares et précieux objets personnels, désormais les seuls liens avec l'extérieur et son passé ... Ça aussi nous conduit à réfléchir à l'utilité de projeter et fournir des espaces vraiment adaptés aux nécessités des malades. Des espaces personnalisés qui ne les désorientent pas ; où on fasse attention aux bruits; où on simplifie , rationalise, singularise les parcours et les air(e)s; où on individualise les caractères de l'approche, de l'accueil, des comportements de réception, avec attention, beaucoup de respect et de tendresse et... un intérêt sincère... Dans une spécificité qui ne soit pas une simple compassion (le contraire de la com-passion) ou une effacée réception pathétique, effaçante... Insinuant l'impératif d'adapter les services à la personne et non pas la personne aux services… peut-être, la bonne interprétation du slogan ambigu "cas par cas"... et la directive fondamentale à suivre ...dans la gestion correcte d'un service ...
Mais... en attendant Godot, M., comme la majorité de nos aînés, ayant survécu à leur conjoint ou, sans enfants ni famille proche, est livrée au laisser-aller d'une administration sans scrupules, et à ses serviteurs qu'on a soigneusement privés de conscience... et, en conséquence, des surprises agréables que l'aventure avec un ancien pourrait leur réserver ...
Parce que, dans mon expérience de l'envol de ces papillons du lendemain, une des choses essentielles que j'ai pu déchiffrer et traverser, a été, et elle l'est encore, une demande d'aide qui sous-entend une recherche de sens, une exhortation de plus au sentiment de responsabilités des structures sanitaires, perdues presque exclusivement dans leurs dérives organisatrices et de formation. Une requête de la récupération de la capacité d'écoute, d'interrogation, d'explication, médiation et interprétation dans la réception des mots et des expressions utilisés du patient pour se décrire soi-même et sa condition propre.
Dans une démarche, par exemple, comme celle de la "Narrative medicine", avancée, il y a quelques années par un groupe de cliniciens londoniens, qui travaille à trouver une métrique finalement adaptée à gérer les aspect qualitatifs et existentiels comme l'angoisse, le désespoir, l'espoir, la douleur morale, l'anxiété, l'amour, la haine, qui fréquemment accompagnent ou représentent la vraie forme de la maladie. En vue d'encourager un témoignage précis de la nécessité de reconstruire, dans la compréhension du vécu du patient, la relation de connaissance et confiance sans laquelle aucun médicament ne pourra soulager de manière harmonieuse l'état de souffrance qui continue à être un envahissant et indésirable compagnon de voyage de notre espèce. Mais pour le moment, les actuelles énergies socio-sanitaires disponibles sur le territoire se révèlent, dans leur profonde faiblesse, de plus en plus inadaptées à soutenir ce type d'engagement, considérable, et qui requiert des attitudes et aptitudes particulières…
Dans cette atmosphère, M. vit détachée du passé comme de l'avenir, tout en maintenant une conduite adaptée aux circonstances momentanées où elle se trouve, à l'aide de lieux communs et de généralités dont elle dispose encore.
Et puisqu'il ne lui reste presque plus rien de ce qui pourrait ressembler à sa vie d'avant l'infirmité…ce qui reste est d'autant plus irremplaçable… pour qu'elle puisse parvenir à faire entendre sa voix ; une voix de détresse parfois, mais aussi de confiance, de tendresse, d'humour souvent… pour préserver l'impression du but, de la finalité, de la valeur même de sa personnalité.
…Alors, les mots qui restent possibles, les regards, la sensation d'une peau sur la peau, tout cela devient la Vie, le sentiment d'appartenir à la communauté des hommes.
Pour la préserver du risque de se sentir une chose, un être dévalué et la faire se sentir, en revanche, le sujet de sa vie, une personne irremplaçable dans son unicité..
Mais, encore une fois, l'expérience dévastatrice de la politique contemporaine désarticule et vide de son sens toute humanité la défigurant aussitôt en une forme définitivement frappée de nullité. Et avec sa puissance de suggestion elle conduit souvent les travailleurs sociaux à négliger que c'est seulement s'il est reçu qu'un message prend toute sa signification, et non simplement parce qu'il est transmis... A oublier que la vérité de l'information renvoie toujours à un événement existentiel chez ceux qui la reçoivent, car son registre n'est pas celui de l'exactitude des faits, mais celui de la pertinence d'un problème, de la consistance d'un univers de valeurs... A ne pas tenir compte du fait que la communication doit être retravaillée en permanence de façon à ce qu'elle puisse s'accorder avec des formes renouvelées dans le social.
A cette vision distordue de la réalité qui oublie que l'existence concrète est dans le singulier, dans l'improbabilité, dans l'accidentel et le périphérique , et qui ne sait pas reconnaître l'intense activité psychique et la grande demande relationnelle des Anciens, M. est désormais confrontée, à vie …
Mais, nouvelle Zarathoustra, avec son air un peu bluffeur, un peu moqueur, elle semble nous mettre en garde… nous rappelant que l'esprit qui ne sait pas danser, qui ne sait pas aimer et qui a presque renoncé à son habilité à voler aussi dans le rêve, est inquiétant…


(DANS) LE COEUR DE LA MEMOIRE


"Tant que tu ne sais pas mourir et re-naître, tu n'es qu'un passant affligé sur la terre obscure."
Johann Wolfgang Goethe

"Il n'y a pas concrètement de la matière et de l'Esprit, mais il existe seulement de la Matière devenant Esprit"
Teilhard De Chardin



La réalité est non seulement l'existence de toute matière que toute chose peut percevoir autour d'elle, mais aussi, l'existence de tout objet de l'univers que tout autre objet ne perçoit pas encore… ébruite le physicien Tan Tai Nguyen...
… Tout au long de cette navigation d'écriture, c'est cette réalité qu'on ne perçoit pas encore, que j'ai tenté surtout de murmurer, de communiquer …
Car elle semble obligée à vivre presque exclusivement dans les échos des savoirs et des pratiques, dont pourtant certains éclairs fulgurants soulèvent parfois des zones d'ombre imprévisibles…. dans la trame de ce procès de structuration, déstructuration, restructuration incessantes, de formes, figures, images, qui est la vie… La quête, obscure et semée d'échecs, du récit perdu, de la promesse du côté de l'invérifiable, et qui va bien au-delà de la mort...
Et qui comme le penser et le langage est commune à tous…
Mais… séparant l'arbre de la science de celui de la vie, une vision dualiste et linéaire de la réalité a désuni la parole de ce qu'elle dévoile en lui faisant acquérir une consistance autonome.
L'être révélé et manifeste - et, donc, commun et participable - se détache de la chose proférée et s'interpose entre celle-ci et les hommes, dans une opacité de relation aux autres et au monde ...
Ainsi le sujet, chercheur ou acteur social, se retrouve dissocié de son objet … aliéné et dépossédé par les monstruosités d'un rationalisme déshumanisant; exilé, dévitalisé, vidé par cette expropriation du commun …
Toutefois, dans ces années, même si très lentement, surtout dans la volonté de faire rentrer dans la pratique commune et sociale des concepts existant depuis longtemps, la science commence à re-joindre la philosophie et la mystique, et d'une certaine façon devient, d'exclusivement expérimentale qu'elle était, plus intuitive, opérant ainsi un saut qualitatif et devenant presque un exercice spirituel.
La science médicale et ses applications, qui dans le cas particulier nous intéressent, pourraient, alors et finalement, évoluer en une voie qui soutient le cheminement de l'être au seuil du mystère, vers son point d'accomplissement…
Selon une connaissance qui unit…qui met en commun-ication, l'aîné, le travailleur social et médical, le familial, le bénévole…pour dérouler le trésor des choses et des êtres, déployés dans leurs multiplicités…
En conséquence, dès qu'un nouvel individu apparaît dans le service,même s'il n'est pas toujours réalisable instantanément de le saisir, de le connaître pleinement dans ses particularités; même s'il peut souvent nous échapper, estompé qu'on est, la plupart du temps, par les évidences, aller le revoir, l'observer, le scruter… L'examiner encore, dans l'espoir qu'un souffle d'innocence originelle nous enveloppe, et en cet instant là intercepter une lumière, comme celle d'une création enfin révélée, dans la transparence et la limpidité retrouvées…
Avec soin, aller à l'essentiel de cette vision, comme obéissant à une loi naturelle, à une "poussée" de l'Évolution…qui nous offre la capacité de percevoir et de reconnaître les réalités-d'existence-physique des autres comme celles de nous-même…dans des relations d'échanges continus…
Seulement à ce moment la signification de la relation commence à s'éclaircir, sortant des brumes de sa confusion apparente, de sa contradiction, de son impossibilité …restituant à leur vraie démarche ceux qui escortent les personnes âgées …
C'est-à-dire… faire le vide en soi pour mieux écouter, savoir écouter pour comprendre,  comprendre  pour aimer.
Le commencement d'un travail de qualité qui est aussi un travail de connaissance de soi.
Et qui devrait signifier, pour tout un chacun, communiquer, produire du relationnel sur la base de "compétences linguistiques", faisant appel, encore une fois, à ce qui est commun aux hommes…
Devenant poète... impersonnel et commun…
qui puise à la force illimitée et universelle du langage…Parce qu'en sa présence on est tous également, et poètes, et philosophes, et savants …Et dans cette force réside l'espérance humaine…Capable de saisir l'évidence des choses excellentes, cachées, et pourtant… sous les yeux de tout le monde; de déplacer les mots de leur immobilité, de les détrôner de leur rigidité…
... Comprendre ça, le vivre vraiment, en faire effectivement l'expérience, signifie choisir de patrouiller sur un chemin de conscience fait d'infinis et imprévus sursauts, vibrations, implosions, explosions de connaissance…
Subséquemment, l'action dans ces 'maisons ambiguës' où des hommes et des femmes disparaissent, étant en même temps les révélateurs de ce qu'ils révèlent... saurait faire venir au jour les effets inconnus ou méconnus de leurs états crépusculaires, de leur repos presque catatonique… un moi fondamental, super lumineux qui se projette sous une forme sous lumineuse…
Dans cet univers, où la causalité n'existe plus puisque tous les événements sont accessibles en même temps dans une synthèse de mémoire et d'oubli, de constitution et d'effacement des formes, suspendus en zones d'indétermination et d'indiscernabilité, découvrir, imaginer, interpréter , dans et avec les "affects" qui s'enchaînent, dérivent, se transforment, vibrent, s'étreignent ou se fondent ... la souffrance toujours renouvelée de ces êtres, leur protestation recréée, leur lutte toujours reprise ...
Deviner le chaos qui s'empare de ces créatures qui avec douleur et angoisse assistent aux pensées qui échappent à eux-mêmes , aux idées qui fuient et disparaissent à peine ébauchées, déjà rongées par l'oubli ou précipitées dans des variabilités infinies dont la disparition et l'apparition coïncident, dans une étreinte de sensations sans ressemblance… Atteindre et pénétrer en ces régions où tourbillonnent ces vivants, dans une entreprise de co-création, comme des composés mélodiques de contrepoints, comme 'motif' dans une autre mélodie...
Essayer de con-vivre avec leurs "interférences non- localisables" avec leurs secrets "dérobés"... Se rendre sensible et disponible à la perception de la cognition de la fin, faite d'excès; à la perception de la perception du 'saut' qui est s'annoncer ou se sentir annoncé...
Avancer dans l'horizon de la fin avec le talisman de petites ivresses pour y faire découvertes imperceptibles , retracer les signes fragiles de ce que nous recherchons ….
Initiation difficile, certes…
Mais exaltante, pour réincorporer pouvoirs et forces diffusés dans le cosmos et négligés par l'homme..
"Devenant"... la graine individuelle d'un esprit commun, qui donne voix à une volonté plus différenciée et collective... rien qu'une seule d'entre les timbres que la parole peut confier...
Et loin d'être dans la certitude, être capable d'une question de plus…
Du fait que ce qui compte véritablement, vient toujours ensuite. En route...
Sur la voie d'un exode, d'un faire positif, d'une activité qui ne s'abandonne pas à la finitude, à sa limite inutilisable, à l'adhésion unilatérale à tous les ordres en vigueur, à toutes les règles...
En violation des « lois des grandes quantités », dans des « structures dissipatives »,selon Ilya Prigogine, susceptibles d'altérer le système entier et d'y insinuer des organisations nouvelles…
...où la Loi soit finalement pénétrée comme un principe intérieur...
Pour re-traverser courageusement la hiérarchie jusqu'à la Fable et effacer toute dualité que l'homme s'est construite, à commencer et à terminer par la dualité souveraine
celle de Vie et de Mort…
Afin, tout simplement, de pouvoir exclamer:
« C'est la première fois que je vois un patient mourir l'avenir devant soi »… (1)


(1)"La fée carabine", Daniel Pennac


EN CONCLUSION(s)

par Ermanno Angelo Senatore


Jonction, ce n’est pas une fausse unité, mais un ensemble complexe de connexions horizontales et/ou verticales qui réagissent en interaction les unes sur les autres, pour reconstituer des nouvelles cartographies géo philo artistiques/politiques humaines, nouvelles ré/territorialisations existentielles, devenirs révolutionnaires, à venir.
Une grande alliance néo globale (A.D.S.L. Autonomie alternative, Démocratique, Sociale, Libertaire d’unité des précaires: prolos, exclus, opprimés) est en train de se reconstruire, malgré la puissance de doubles contraintes, (double bind de Bateson Gregory) qui impliquent les dominations idéologiques, bio politiques à travers les dualismes binaires des bifurcations complices "du bien et du mal", de la guerre permanente des pensées uniques dominantes, des "bush et ben laden", faux ennemis qui dans le miroir du faux/du vrai brouillent encore les pistes de compréhension de la pensée complexe qui nous opprime, nous, la majorité des populations aliénées de "Gaia".
Le brouillage culturel transforme toute tentative de révolte, de resistance/dé/sistance, dans une guerre sémiotique invisible qui aide encore mieux ces nouveaux idéologues maîtres à penser, à dominer, exploiter, opprimer, en récupérant toute transgression au nom de la démocratie, du multiculturalisme, tolérance, communautarisme, libérale, etc.
Malgré ce brouillage, con/fusion de chaosmose, pour souligner les prévisions de Guattari, une galaxie de résistants est apparue en opposition à cet état des lieux des dominations néo/libérales, lesquelles sont en train de reconstruire dans cette globalisation, qui n'est rien d'autre qu'une troisième révolution (pour les tecnologies, techno-sciences) une restauration du capitalisme qui pourrait nous porter vers la barbarie d'un retour au moyen âge, au repli ethnique pseudo religieux, fondamentaliste, intégriste, nationaliste, communautariste, etc. Comme nous l'a dit déjà Marx dans son interprétation des "capitalismes" dans leur phase avance, des impérialismes, des sovraproductions, superproductions, de la plus-value,etc (c'est le temps aujourd'hui de la "globalisation" de la société de communication, des services, managériale post fordiste, médiatique, parlamentaire, des démocraties libérales en crise).
L'art, la culture, la politique sont restés seuls dans leur marge pour des décennies.
L'art a perdu son aura avec le concept de reproductibilité benjaminienne, puis a perdu la puissance de révolte critique radicale des avant-gardes dadaïstes futuristes et situs du siècle dernier, pour devenir un faux art démocrate de masse/massifié, un art sans règles, où derrière une fausse liberté d'expression libérale se cache son vrai masque d'exclusion, qui se montre à travers la sélection des vrais artises révolutionnaires, qui ne se plient pas aux religions, aux lois de la marchandise, du dieu argent (god/gold). Vraies religions à dominer de cette époque pré-révolutionnaire, pré-biblique, barbarie de l'ignorance, où la majorité des gens sont exclus de cette ré/organisation globale de leurs vies, les fameuses bio/politiques...(Foucault, etc.)
Après l'art est venu le temps de "matraquer/formater" la culture qui s'est transformée en culturel/culturama: staracademisée/intellocraties/staracademicienes, culture d'intello/téléréalité intellocrate (comme les artistes sont devenus les employés de l'art contemporain des institutions en France).
Fausse démocratie culturelle qui sert seulement une élite mondiale à avoir son art culturel, de distincion/distantion (Bourdieu).
L'art contempo, la culture de masse est re/tournée à la bourgeoisie nouvelle de ce nouveau capitalglobalism mondialisé des nouveaux riches "globaux".
Ce spectre de l'art/culture es démocraties, ce sont les fantômes qui hantent le mond vivant des humaines qui devraient habiter en harmonie avec la nature; le monde en poésie. Une néo classe bourgeoise des ultrariches a trouvé sa culture qui contribue à maintenir sa domination sur d'autres êtres humains, à travers les managers de la société de communicatin, de l'internet, à faire profit sans règles, dans la dictature des flux, des échanges boursiers...
Le profit devant la vie humaine...
La politique est devenue aussi une mascarade, une estétisation spectaculaire post/situationniste médiatique où les politiques sont devenus politiciens acteurs du mensonge, sans vrai débat d'idée de culture, de passions idéalisées, d'antagonismes politiques, culturels...
Comme fut le temps des années glorieuses de '45 à '75, des époques fordistes (sans complaisance ni nostalgie, car on rêve une nouvelle démocratie radicale pour la justice sociale où la paureé désiste, remplacée par le droit à l'existence et à la dignité...pour tous.
Mais...Le temps est venu de re-politiser l'art, la culture, d'injecter dans la vraie création la semence du refus et de la lutte. Poétique/politique, résistance artistique sociale, un art politique comme ne autre éthique néo globale.
Le temps est venu de redonner à la culture sa dignité de partage du sensible; et la restituer à ses multitudes spinoziennes agissantes de la néo résistance new globale.
Et par un étrange mouvement de l'histoire, les catégories des artistes, des bénévoles et des militants chercheurs se retrouvent ensemble pour mettre de l'ordre dans ce cahosmose de brouillage culturel, de l'art, la culture, la politique.
TOUS ensemble, artistes cyberdada, chercheurs en "extrême jonction", "jonction immédiate"; de la pratique du bénévolat au militantisme social de terrain (aide aux démunis "ici et maintenant") devraient contribuer à arrêter ce retour au moyen âge de ces époques de fascismes orwelliens, chino/américains à venir; des inégalités planétaires dues à la globalisation ultralibérale...
Ce nouveau militantisme (avec un grand M) d'"extrême jonction" entre toutes ces catégories de résistance , soit artistique, culturelle, politique, sociale des bénévoles militants artistes chercheurs; de jonction des différences, sensibilités, devrait réfléchir à une autre boîte à outils, pour re/construire (en déconstruisant) un art, une culture comme une philo politique, théorie pragmatique, praxithéorie ( qui remplace comme nous l'avons fait pendant des années dans le milieu de l'art ce qu'on appelait "the gost artist for ghost art, the ghost theory" de la fin du siècle passé) une théorie culturelle néo globale, du post modem ( comme nous l'avons écrit dans notre antimanifeste "extrême jonction" de la mouvance globale artistique cyberdada, 1996).
Une théorie/culture nouvelle pour l'humanité du prochain siècle de ce début dge millénaire, pour les générations à venir.
Futur proche de devenirs révolutionnaires, d'une autre pensée critique radicale qui suggère une minière de vie alternative à la domination oppression capitaliste, qui nous relègue au rôle inhumain de consommateur ; simples impures machines à consommer, acheter... Tous ensemble (artistes, chercheurs, bénévoles, militan,ts du social politique qui luttent pour la démocratie radicale et la justice sociale , l'"égaliberté", l'ecologie sociale des esprits) nous devrons reconstituer une "grande alliance" de toutes ces ecologies sociales des esprits, l'environnement, le social collectif; vivre ensemble, en quête permanente du sens du commun de la communauté à venir et d'une "autre" individualisation psychique collective des êtres singuliers/pluriels...



"Tu veux un monde meilleur, plus fraternel, plus juste ? Eh bien commence à le faire : qui t'en empêche ? Fais-le en toi et autour de toi, fais-le avec ceux qui le veulent. Fais-le en petit, et il grandira."
C.G JUNG


« Tout est dit et l'on vient trop tard depuis sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent.
Sur ce qui concerne les moeurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ;
l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes. »

( Des ouvrages de l'Esprit, 1)
 Jean de La Bruyère


 
P.S. De ce fait, je veux mentionner les auteurs, contemporains, modernes et anciens , qui ont aiguillonné, d'une manière ou d'une autre, cette recherche de la parole plurielle, en étant les guides, les inspirateurs, les éveilleurs, les instigateurs...
Giorgio Agamben, Aristote, Sri Aurobindo, René Barbier, Gregory Bateson, Hakim Bey,Miguel Benasayg, Daniel BensaÏd,Ludwig von Bertalanffi, David Bohm, Alain Caillé, Cristina Campo, Albert Camus, Cornelius Castoriadis, Teilhard de Chardin, Guy Debord, Gilles Deleuze, Jacques Deridda, Françoise Dolto, Fjodor Michajlovitsj Dostojevski,Maître Eckhart, Albert Einstein, Héraclite, Michel Foucault, Jean Genet, Rubina Giorgi, Johann Wolfgang Goethe, André Gorz, Félix Guattari, Adolf Guggenbühl-Craig, Friedrich Hegel, Martin Heidegger, James Hillman, Friedrich Hölderlin,Carl Gustav Jung, Franz Kafka, Johannes Kepler, Emmanuel Lévinas, James Lovelock, Michael Lowry, Joelle Macrez, Catherine Malabou, Stéphane Mallarmé, Karl Marx, Marcel Mauss,Herman Melville,Thomas More, Edgar Morin,Tan Tai Nguyen, Friedrich Nietzsche, Michel Onfray, Parmenide, Wolfgang Pauli, Riccardo Petrella, Jean-Claude Pinson, Plotino, Ilya Prigogine, Pierre-Joseph Proudhon,Jacques Rancière, Rainer Maria Rilke, Amartya Sen, Gilbert Simondon, Baruch Spinoza, Henry David Thoreau, Maria Zambrano, Ellemire Zolla ...


 

Un très, très "special thanks" à Sylvie Zampolini, plasticienne et traductrice et à Laurent Chevalier, professeur de lettres, écrivain et traducteur, qui ont bien voulu jeter un regard lucide , patient et prévenant sur les blessures, involontaires, infligées à cette belle langue... "volée"

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 extremejonction@hotmail.com